Entre les murs

Entre les murs
Titre original:Entre les murs
Réalisateur:Laurent Cantet
Sortie:Cinéma
Durée:129 minutes
Date:24 septembre 2008
Note:
Une année scolaire au collège Françoise Dolto dans le 20ème arrondissement de Paris. François Marin est professeur de français et prof principal d'une classe de quatrième.

Critique de Tootpadu

L'éducation nationale est au centre de toutes les préoccupations sociales et politiques. Il suffit de citer les manifestations d'enseignants et les grèves d'étudiants, aussi cycliques que les programmes gouvernementaux de restructuration, pour s'en convaincre. L'approche de ce lauréat de la Palme d'or au festival de Cannes se démarque alors par sa clareté et sa volonté de ne pas abandonner à leur sort les générations victimes du clivage social et d'une démarche d'intégration hautement perfectible, des deux côtés. Le professeur de français, qui sert de point de repère pour le récit d'une année scolaire au sein d'un établissement tout à fait ordinaire en France, ne se fait pas d'illusions sur la volonté d'apprendre de ses élèves, ni sur le rapport de force auquel il est convoqué à chaque entrée en classe. Il dispose cependant d'une éthique professionnelle suffisante pour tenter de les éveiller à sa façon, de les mettre en valeur, tout en leur indiquant les limites d'une relation basée sur la hiérarchie et des règles préétablies quant au comportement face aux adultes.
Laurent Cantet pratique en quelque sorte de l'activisme social avec son quatrième film. Il s'intéresse toujours autant aux laissés-pour-compte d'un système collectif, qui dévoile comme aucun autre les frictions sociales, plus facilement escamotables dans d'autres circonstances. La salle de classe est depuis toujours un microcosme cru, où des individus sont réunis de force pour un projet commun qui ne leur tient pas forcément à coeur. L'enseignement dans de telles conditions est un combat au quotidien, dont le film nous épargne les séquelles psychologiques, mais dont il montre quelques signes de désespoir virulent, comme le coup de gueule du professeur frustré ou l'insulte larvée de Monsieur Marin. La situation au collège décrit n'est pas encore en chute libre, mais la menace d'une dégringolade vers la répression massive de l'anarchie, au lieu d'administrer le savoir, se fait sentir progressivement.
Dans toute cette croisade exemplaire pour un emploi au moins adéquat de la langue française, Entre les murs ne dépeint pas pour autant les adolescents d'origines très mixtes comme des sauvages sans culture. Au contraire, le réalisateur sait parfaitement capter cet instant de basculement vers l'âge adulte, qui fait ressortir le meilleur comme le pire dans chacun d'entre nous. L'insolence et le boycottage de l'enseignement sont décrits avec justesse comme les syndromes d'un processus d'adaptation, encore rendu plus difficile par un environnement social pas forcément en faveur de la réussite scolaire. Dans les portraits de chacun des élèves, prolongés par la tâche de l'autoportrait, Laurent Cantet fait preuve d'une immense humanité lucide. Sans pour autant se voiler la face sur le fait qu'en fin de compte, il y aura toujours des individus auxquels l'éducation nationale ne pourra pas répondre convenablement.
Enfin, Entre les murs est une célébration permanente de la langue française, dans ses manifestations les plus vivantes ! Que ce soit dans l'effort ininterrompu du prof d'apprendre un usage précis des mots à ses élèves ou plutôt dans les joutes plus désinvoltes de ces derniers, rares sont hélas les films français qui s'appliquent autant à rendre hommage à la langue de Molière !
Après Ca commence aujourd'hui de Bertrand Tavernier et L'Esquive d'Abdellatif Kechiche, voici le nouveau film poignant sur les lacunes et la force de notre enseignement, qui n'a guère besoin des dispositifs dramatiques de ceux-ci pour dresser un constat en tous points vigoureux de la situation actuelle.

Vu le 5 octobre 2008, au MK2 Bibliothèque, Salle B

Note de Tootpadu: