
Titre original: | Couvre-feu |
Réalisateur: | Edward Zwick |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 116 minutes |
Date: | 16 décembre 1998 |
Note: | |
Anthony Hubbard, le responsable de la cellule anti-terroriste du FBI à New York, est appelé sur la scène de la prise d'otage d'un bus à Brooklyn. L'incident se termine sans blessés, mais l'enregistrement trouvé sur place d'un avertissement en vue d'autres attentats dans la ville met l'agence en ébullition. En plus, l'agent secret Elise Kraft s'immisce dans l'enquête, sans partager ses informations sur les suspects potentiels. Un nouvel attentat, meurtrier cette fois-ci, obligera Hubbard et Kraft à réunir leurs forces, afin de venir à bout de la menace terroriste.
Critique de Tootpadu
Vraisemblablement sans le vouloir, ce film hollywoodien a acquis depuis sa sortie une valeur prémonitoire indéniable. Alors que le spectre d'une attaque d'envergure des terroristes sur le sol américain fournissait à peine matière à un spectacle plutôt opportuniste il y a dix ans, la donne a profondément changé depuis le 11 septembre 2001. Toutefois, ce sont moins les accomplissements involontaires de prophète qui nous intéressent par rapport à Couvre-feu, mais la vision, presque naïve, de la réaction américaine qu'il propose.
Pendant un temps remarquablement long, le film procède en effet à la démolition de la conception héroïque que la plupart des Américains doivent avoir de leurs garde-fous institutionnels. L'arrogance avec laquelle les services fédéraux, sous la direction d'un Denzel Washington plus idéaliste que jamais, mènent l'enquête est constamment torpillée par l'imprévisibilité des terroristes et, peut-être davantage, par les frictions entre les différentes agences de renseignement. En l'absence d'un ennemi clairement identifiable, la paranoïa grandit inlassablement. C'est ainsi moins la menace de l'extérieur qui ébranle les fondations du style de vie américain, mais l'incapacité des instruments censés la détourner à y répondre avec discernement.
Le double jeu du personnage d'Annette Bening est à ce titre le plus révélateur d'une politique étrangère américaine très hasardeuse, dont les bases douteuses sont à peine déformées par le prisme de la fiction. La fourberie dont elle use pendant longtemps, pour protéger ses intérêts troubles dans l'affaire, lui garantissent un destin dramatique à l'image de ses infidélités envers l'idéal patriotique. Cependant, ses méthodes malhonnêtes et fortement intéressées ne représentent qu'une face de la médaille de l'art de guerre selon l'Amérique. Le général interprété par Bruce Willis, fin politicien qui sait saisir sa chance avec brutalité, est le symbole d'un fanatisme militaire, qui n'est mis en doute que lorsque toute la fierté américaine est mise en berne par un conflit qui s'embourbe au détriment des Etats-Unis.
Pour une fois, Edward Zwick mène son récit sans trop pratiquer le chantage émotionnel, qui pèse sur la plupart de ses autres films. Il reste plutôt discret dans l'évocation des différents attentats et ne se fait rattraper par l'obligation de rassurer son public sur la suprématie des valeurs américaines que vers la fin, assez baclée. En effet, l'affrontement dans le hammam et le retour à l'ordre poussif lors de l'épilogue sont les seuls réels points faibles d'un film, qui savait jusque là s'interroger, avec une certaine lucidité et avant l'heure, sur les lacunes de la réponse américaine à une éventuelle vague d'attentats, depuis malheureusement devenues réalité.
Revu le 27 septembre 2008, au MK2 Quai de Loire, Salle 5, en VO
Note de Tootpadu: