Visitor (The)

Visitor (The)
Titre original:Visitor (The)
Réalisateur:Tom McCarthy
Sortie:Cinéma
Durée:104 minutes
Date:29 octobre 2008
Note:
Walter Vale, la soixantaine, mène une existence routinière dans le Connecticut. Veuf depuis un certain temps, il ne cultive plus la moindre ambition ou passion pour son travail de professeur d'économie. Obligé de se déplacer à New York pour un séminaire, Walter trouve un couple d'immigrés, victimes d'une escroquerie immobilière, dans son appartement de ville, qu'il n'a plus occupé depuis des années. Il permet à Tarek et sa femme Zaineb de rester chez lui, le temps qu'ils trouvent un autre logement.

Critique de Tootpadu

L'immigration clandestine est le sujet problématique par excellence. Trouver un juste équilibre entre la compassion pour ceux qui aspirent aux miettes de notre aisance matérielle et des considérations plus égoïstes, censées au contraire maintenir notre standard de vie, est une tâche particulièrement délicate dans une forme d'expression à l'impact émotionnel aussi immédiat que le cinéma. Dans son deuxième film, fraîchement couronné par le prix du festival de Deauville, Tom McCarthy opte pour une voie, qui privilégie clairement la dimension humaine du problème, tout en intégrant celui-ci dans un contexte scénaristique plus complexe qu'un simple contraste manichéen.
Avant tout, The Visitor est un film sur la solitude de la vieillesse, c'est-à-dire sur cet état de végétation qui peut accabler les personnes âgées, quand elles considèrent qu'elles n'ont plus rien à prouver ni à elles-mêmes, ni aux autres. Le rôle principal, interprété magistralement par Richard Jenkins, rappelle ainsi deux personnages emblématiques qu'Anthony Hopkins campait au milieu des années 1990, dans Les Vestiges du jour de James Ivory et dans Les Ombres du coeur de Richard Attenborough. Comme le majordome servile ou le professeur émotionnellement renfermé, Walter Vale s'est confectionné une sphère intime dans laquelle il n'y a de la place que pour lui-même. Seule la volonté d'apprendre un instrument, qui pourrait cependant être comprise au début tel l'étape ultime du deuil de sa femme musicienne, apporte un minimum de piment à sa routine quotidienne. Mais Walter gère ce dernier rapport social imprévisible avec une détermination, qui lui fait disposer de ses professeurs de piano au gré de ses frustrations.
Jusqu'au jour où un événement inattendu, voire potentiellement dangereux, fait basculer sa vie de fond en comble. La rencontre avec le couple d'immigrés clandestins le fait revenir petit à petit à une vie réelle et palpitante. C'est un processus long et difficile, pour lequel il doit puiser au fond de son âme les quelques restes d'humanité et de spontanéité dont il dispose, quitte à se raviser en retard et à devoir rattraper le coup dans la cage d'escalier. Et parfois, il lui arrive de retomber dans ses vieux schémas comportementaux, qui rendent à ses traits, presqu'attachants à force d'être confrontés aux joies de la vie, leur ancienne apparence antipathique et froide.
Sur ce retour à la vie, aussi impuissant et vain s'avère-t-il en fin de compte, se greffe une histoire d'amour au ton exceptionnellement délicat. Dès que le personnage de la rayonnante Hiam Abbas entre en jeu, la dynamique du scénario change. L'engagement militant humanitaire se voit transformé en quête d'un amour impossible. Walter est alors définitivement dépassé par ses aspirations, puisqu'il lui est impossible de s'engager soudainement sur le triple tableau romantique, social et musical, depuis la stagnation de son état de vie initial. Toute son action n'est alors qu'une manifestation de sa bonne volonté, qui le laisse devant une existence plus brisée qu'elle ne l'était auparavant, malgré tous ses efforts.
Face à cet arc de progression personnelle illusoire, le drame des immigrés prend presque une allure arbitraire. Autant le début de l'amitié entre Walter et Tarek symbolise le meilleur dans le rapprochement des cultures, autant le calvaire légal représente un aspect pénible de l'impuissance de l'individu face à un système répressif et partialement protecteur. Le réalisateur Tom McCarthy fait heureusement preuve de délicatesse dans la gestion de ce basculement risqué du bonheur trop parfait, vers un malheur inextricable et frustrant. Il ne prétend point à proposer des solutions faciles aux problématiques universelles et individuelles, mais son approche donne clairement raison à Walter, d'être sorti de son inertie autosuffisante.
Outre le jeu magistralement touchant de Richard Jenkins et de Hiam Abbas, signalons la présence charmante du très séduisant Haaz Sleiman dans le rôle de Tarek.

Vu le 15 septembre 2008, au Club de l'Etoile, en VO

Note de Tootpadu: