Gomorra

Gomorra
Titre original:Gomorra
Réalisateur:Matteo Garrone
Sortie:Cinéma
Durée:136 minutes
Date:13 août 2008
Note:
La Camorra tient avec une main de fer la ville de Naples et la région de Campanie. Elle a infiltré tous les niveaux économiques et sociaux. Parmi les personnes à son service, il y a Don Ciro, un caissier fiable et discret, qui apporte de l'argent aux familles des membres du clan en prison. Il y a également Pasquale, un tailleur doué, qui décide de monnayer son savoir-faire, qu'il exerce dans un atelier financé par l'argent du crime, auprès de la concurrence chinoise. Le pouvoir d'attraction envers l'organisation est encore plus grand parmi la jeune génération. Ainsi, le jeune Toto rêve de travailler pour le clan de sa cité, au lieu d'être le coursier de l'épicerie de sa mère. Les adolescents Marco et Ciro se prennent pour des caïds au dessus des règles. Et Roberto commence à travailler pour le trafiquant véreux de déchets Franco.

Critique de Tootpadu

La référence filmique en termes de mafia est depuis longtemps la trilogie du Parrain de Francis Ford Coppola. Avec son souffle épique et ses destins qui s'entredéchirent sur l'air tragique propre à l'opéra, cette série de films a façonné notre vision des agissements du crime organisé, tout en l'associant avec les valeurs d'honneur et de la famille, qui rendent presque nobles les atrocités du clan Corleone. L'approche de ce film italien, récompensé par le Grand Prix du jury au dernier festival de Cannes, est infiniment plus réaliste et moins héroïque. Mais le constat qui s'en dégage subtilement est au moins aussi poignant que tous les stratagèmes inventés par Coppola et Mario Puzo !
A l'élégance d'opéra des Parrain correspond ici une forme orchestrale soigneusement travaillée. Le passage d'un personnage à l'autre se fait presque imperceptiblement et ne répond pas à une finalité dramatique poussive. La narration magistrale de Matteo Garrone s'applique plus à esquisser un aperçu global de la main mise du crime sur le sud de l'Italie, que d'étudier les troubles moraux au niveau individuel. De toute façon, les scrupules sont le moindre des soucis d'un groupe de personnages, qui acceptent sans broncher le statu quo et qui ne pensent pour la plupart qu'à sauver leur tête, une fois que la situation dégénère. Même cette spirale inextricable vers le bas, fait d'assassinats sommaires, ne paraît guère émouvoir ni le réalisateur, ni les participants, qui quittent le jeu du pouvoir plus ou moins volontairement, sans en tirer la moindre satisfaction.
Le ton de la mise en scène n'est pas pour autant décousu ou défaitiste. Dense et sans fioritures, il explore simplement sans états d'âme un monde qui n'en a plus non plus. Le plus effrayant dans les conclusions très sobres que Garrone tire de cet univers du crime, c'est justement qu'aucune alternative n'existe. Crachés de la bouche infecte du crime organisé, les quelques rescapés se retrouvent tout en bas de l'échelle sociale, comme camionneur par exemple. Un emploi qui pourra tôt ou tard les soumettre à la merci de la Camorra, en tant que convoyeur des déchets de la société légitime, qui a malgré tout besoin du crime pour laver en quelque sorte son linge sale.

Vu le 15 juillet 2008, au Club de l'Etoile, en VO

Note de Tootpadu: