Valse avec Bachir

Valse avec Bachir
Titre original:Valse avec Bachir
Réalisateur:Ari Folman
Sortie:Cinéma
Durée:90 minutes
Date:25 juin 2008
Note:
En septembre 1982, Ari Folman avait participé en tant que jeune appelé à l'invasion israélienne de Beyrouth ouest, qui avait culminé dans le massacre de réfugiés palestiniens dans les camps de Sabra et Chatila par les phalangistes chrétiens. Vingt ans plus tard, Ari Folman a effacé ces souvenirs douloureux de sa mémoire, jusqu'à ce qu'un ami lui raconte son cauchemar récurrent en rapport avec l'invasion. Tout à coup, l'image d'une baignade avec d'autres soldats, la nuit du massacre, revient à l'esprit de Folman. Il interroge alors d'autres participants à l'opération, afin de reconstituer mentalement ce qui s'était passé ce jour-là.

Critique de Tootpadu

Considérer ce film israélien, acclamé le mois passé au Festival de Cannes, d'où il est finalement revenu bredouille, comme un documentaire est une classification générique au moins aussi discutable qu'elle le serait pour Zelig de Woody Allen ou Persepolis de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud, par exemple. Valse avec Bachir se sert évidemment du dispositif narratif du documentaire, surtout à travers les entretiens plus ou moins formels avec les témoins du massacre. Mais la démarche globale du film est clairement plus personnelle et introspective qu'aucun documentaire conventionnel ne pourrait l'être. Son objectif double est ainsi la plongée dans les affres du souvenir d'Ari Folman, troublé par des événements dont il préférerait ne garder aucune trace, et la dénonciation de la guerre comme un spectacle surréel et cynique.
Peu de films, depuis le chef-d'oeuvre Apocalypse Now de Francis Ford Coppola, n'ont en effet su évoquer l'absurdité de toute guerre avec la même poésie désespérée que celui-ci. L'animation métissée se met entièrement au service d'un regard dénaturé sur le rôle de l'armée israélienne dans le massacre de Sabra et Chatila. Le réalisateur joue magnifiquement sur l'aspect stylisé de l'image, pour faire avancer sa quête d'une réalité douloureuse. La beauté poétique et irréelle de certains plans, comme le motif récurrent de la baignade à la lumière des fusées lumineuses, accentue encore l'horreur et la violence de la guerre, qui s'empare progressivement du récit. Ce n'est qu'à la fin, lorsque l'animation ne paraît plus en mesure de transcrire fidèlement la souffrance humaine, que l'image passe en prise réelle.
A ce moment-là, le parcours mental du personnage principal, qui est simultanément celui du réalisateur et, en dernière instance, celui du spectateur, arrive à une conclusion écrasante. Les différents dispositifs de narration, habilement employés par Folman et encore renforcés par la bravoure de l'animation, y trouvent une finalité éprouvante. En explorant ses moindres retranchements psychologiques en rapport avec le traumatisme de la guerre, le réalisateur livre par conséquent un film remarquable, qui mélange librement les genres et les styles.

Vu le 5 juin 2008, au Club de l'Etoile, en VO

Note de Tootpadu: