Il y a longtemps que je t'aime

Il y a longtemps que je t'aime
Titre original:Il y a longtemps que je t'aime
Réalisateur:Philippe Claudel
Sortie:Cinéma
Durée:117 minutes
Date:19 mars 2008
Note:
Léa Fontaine accueille sa soeur aînée Juliette chez elle, à Nancy. Les deux soeurs ne se sont pas vues depuis quinze ans, depuis que Juliette a été condamnée à une peine de prison ferme. Pendant tout ce temps, Léa a essayé de ne pas oublier la complice de son enfance, en dépit de l'obligation sociale de taire son existence. Revenue à la vie normale, Juliette éprouve une immense difficulté de s'adapter, sans devoir constamment rendre compte de son passé monstrueux.

Critique de Tootpadu

Que faire lorsque les criminels ont payé leur dette temporelle envers la société, à leur sortie de prison ? Comment les traiter, ceux et celles qui ont commis des actes abjects, lorsqu'ils réintègrent la vie quotidienne en liberté ? Le premier film de l'écrivain Philippe Claudel se préoccupe plutôt admirablement de ce dilemme moral. Avant que la monstruosité de Juliette ne soit un peu lâchement relativisée pendant la séquence finale - un affrontement trop théâtral et bruyant en comparaison avec la souffrance intériorisée du reste du film -, ce dernier joue avec une subtilité plus perfide sur la nature complexe de l'ancienne détenue.
Les informations sur ce passé trouble sont en effet savamment distillées au fil du récit. La trajectoire de la sympathie ou du rejet de la part du spectateur envers Juliette s'en voit fortement influencée. Alors que cette femme a commis le pire des crimes, elle ne nous reste pas pour autant étrangère dans ses problèmes d'insertion. La gravité de sa faute fait voler en éclats les meilleures intentions des personnes désignées pour l'assister dans sa démarche. Et de son côté, il lui faudra beaucoup de temps avant de retrouver peut-être un jour la joie de vivre.
Ce personnage antipathique et pourtant délicat, Kristin Scott Thomas le joue à la perfection. Alors que l'état de crispation permanente de sa soeur, sous les traits d'Elsa Zylberstein, peut finir par agacer, le conflit intérieur sanglant, qui consume Juliette, reste fascinant jusqu'à la révélation finale. Même quand le scénario rend trop vite les armes, au cours d'une conclusion désagréablement rassurante, l'actrice maintient merveilleusement la tension entre le froid glacial du crime qui l'étouffe, et l'élan farouche vers un recommencement improbable de la vie normale.
Outre le regard délicat et jamais platement moralisateur que Philippe Claudel porte sur sa protagoniste, à l'exception de la fin - faut-il le préciser encore -, c'est sa vision de la vie en province qui intrigue. Dans un cadre expressément multi-racial, composé de cafés et de lieux de travail ternes, c'est une autre idée, pas sans attrait, de la province qui se fraie son chemin, loin des clichés du mastodonte de Danny Boon.

Vu le 26 mai 2008, à l'UGC Ciné Cité Bercy, Salle 17

Note de Tootpadu: