Femmes de l'ombre (Les)

Femmes de l'ombre (Les)
Titre original:Femmes de l'ombre (Les)
Réalisateur:Jean-Paul Salomé
Sortie:Cinéma
Durée:117 minutes
Date:05 mars 2008
Note:
En avril 1944, dans le cadre des préparatifs du débarquement, le SOE rassemble un commando de femmes pour une mission dangereuse en France. Sous les ordres de Pierre Desfontaines, sa soeur Louise et quatre autres femmes, toutes recrutées pour une capacité particulière, sont envoyées en Normandie pour rapatrier un géologue anglais, hospitalisé parmi des blessés allemands. Le scientifique s'était rendu en France, pour étudier les plages, en vue de la future opération secrète d'envergure. Une course contre la montre commence alors, puisque les nazis, à l'exception du colonel ambitieux de la SS Heindrich, ne se sont pas encore rendu compte de l'identité du malade.

Critique de Tootpadu

Les femmes ne jouent que très rarement le rôle de héros dans les films de guerre. Au mieux réduites au statut de faire-valoir du personnage masculin ou bien d'offrande sacrificielle sur l'autel de la suprématie machiste, elles ne disposent même pas de caractéristiques propres, susceptibles d'asseoir leur héroïsme. Combler ce vide de représentation, c'est là le point le plus intéressant de cette épopée à grand budget, qui se contente autrement de relayer de la façon la plus solennelle possible un aspect négligé de l'histoire française officielle.
En quoi consistent en fait le courage et la détermination des femmes pour soutenir activement l'effort de guerre ? Comment se décline leur féminité dans une période de violence et de sauvagerie accrues ? La réponse que Jean-Paul Salomé trouve à ces questions n'est pas toujours des plus fines. Dénuder trois de ses personnages féminins relève ainsi de l'exploitation voyeuriste primaire, qui n'est cependant pas dépourvue de fondement scénaristique. Si les femmes sont envoyées, par des hommes bien sûr, sur le front de l'espionnage, c'est pour tirer un profit froidement calculé de leurs attributs et charmes féminins. La plupart du temps, le film sait se défaire cependant de cette mise en valeur dégradante, ou tout au moins sexiste, pour dresser une ébauche intéressante de particularités héroïques féminines possibles et, mieux encore, crédibles.
Le carcan caricatural de la présentation initiale des cinq résistantes vole ainsi assez rapidement en éclats. Face à l'impitoyable dureté de la guerre, les croyances et les peurs acquises cèdent la place à quelque chose de plus radical et de plus admirable. L'interprétation charnue des cinq femmes, par ce que le cinéma français a de plus varié et de stimulant à offrir à travers les générations d'actrices, apporte une vivacité et une densité dramatique très appréciables au film. Nous ne pouvons malheureusement pas dire la même chose de la mise en scène serviable, mais guère inspirée, de Jean-Paul Salomé. Cette complaisance formelle ne se prolonge par contre pas jusqu'au fond, qui reste fidèle au pessimisme inhérent à cette version française et au féminin des 12 salopards.

Vu le 4 février 2008, au Club 13

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Au courage de nos mères...

Le cinéma français est dans une grave crise depuis une bonne vingtaine d'années. Rares sont les bons films français qui restent ancrés dans nos mémoires. De plus, les seuls bons réalisateurs français sont vite contactés par les grands studios américains, également en crise (la grève des scénaristes, la hausse des salaires des comédiens, le non-renouvellement de grands réalisateurs). Dans ce contexte, nous sommes de plus en plus indignés face aux mauvais scénarios que nous subissons de film en film français. Rares sont les comédies réussies (exception faite de quelques films comme OSS 117), et les films de guerre français sont une denrée pratiquement inexistante. Que pouvions-nous attendre alors du nouveau film de Jean Paul Salomé ? Ses derniers films ont eu peu de succès (Arsène Lupin, Belphégor), voire ont été calamiteux (Restons groupés, Les Braqueuses, Belphégor).

Pourtant, la surprise est là : ce film est un des meilleurs films français que nous avons pu voir dans nos salles. Non seulement, notre attention est soutenue tout au long de ce très bon film mais en plus, nous avons enfin un film de guerre français capable de rivaliser avec les Il faut sauver le soldat Ryan et Le jour le plus long américains.

Le succès de cette réussite vient de l'histoire racontée ici. Engagée dans la résistance française, Louise s’enfuit à Londres après l’assassinat de son mari. Elle est recrutée par le SOE, un service secret de renseignement et de sabotage piloté par Churchill. Dans l’urgence, on lui confie sa première mission, l’exfiltration d’un agent britannique tombé aux mains des allemands alors qu’il préparait le débarquement sur les plages normandes. L’homme n’a pas encore parlé mais le temps presse. Louise doit d’abord constituer un commando de femmes spécialement choisies pour les besoins de l’opération. Pour le recrutement, tous les moyens sont bons : mensonges, chantage, remises de peine. Elle engage Suzy, danseuse de cabaret qui excelle dans l’art de séduire les hommes ; puis Gaëlle, chimiste, spécialiste en explosifs ; enfin, Jeanne, prostituée, capable d’assassiner de sang froid. Parachutée en Normandie, elles sont rejointes par Maria, juive italienne, opérateur radio et dernière pièce du dispositif. La mission commence bien mais se complique très vite. Contraintes de retourner à Paris, le SOE leur fixe un nouvel objectif, presque suicidaire : éliminer l’une des pièces maîtresses du contre-espionnage nazi, le colonel Heindrich. L’homme en sait déjà trop sur les préparatifs du débarquement. Cinq femmes, loin d’être des héroïnes, mais qui vont le devenir.

Comme en témoigne le synopsis, ce film est plein de rebondissements, les décors soignés, l'interprétation de Sophie Marceau, Julien Boisselier, et Déborah François est réellement convaincante et nous fait rentrer de plein fouet dans ce drame. Le réalisateur a même réussi à donner à Julie Depardieu un de ses meilleurs rôles sur grand écran (certes loin derrière les acteurs et actrices précédemment cités). Mon attention s'est surtout tourné vers le jeu tout en retenue d'une des meilleures actrices françaises de sa génération : Marie Gillain. Ce film fait d'elle une vraie actrice adulte, et je ne peux lui souhaiter que la carrière d’Isabelle Adjani, mais au vu du choix de ses films, je pense que c'est en très bonne voie. Elle est non seulement convaincante dans une comédie (Mon père ce héros, La Vie n'est pas une comédie romantique), mais aussi dans un drame (l'excellent Appât, Le Dernier harem, Holy Lola).

Ce film est donc un vrai film d'un réalisateur qui a corrigé ses tics et les erreurs de ses anciens films pour réaliser une vraie œuvre d'auteur, un film dramatique, qui nous a touchés et émus.

Vu le 16 janvier 2008, au Club 13

Note de Mulder: