American Gangster

American Gangster
Titre original:American Gangster
Réalisateur:Ridley Scott
Sortie:Cinéma
Durée:157 minutes
Date:14 novembre 2007
Note:
En 1968, à la mort de Bumpy Johnson, le parrain de Harlem, Frank Lucas, son chauffeur et l'encaisseur de ses dettes, reprend le flambeau. Pour échapper aux mains ouvertes de la mafia et des forces de police corrompues, Lucas importe directement l'héroïne de Thaïlande. En vendant la poudre blanche à son propre compte, sous le nom évocateur de "Black Magic", il devient rapidement une des figures incontournables de la pègre de New York. Parallèlement, l'inspecteur Richie Roberts, un flic réputé d'être trop honnête, est mis à la tête d'une nouvelle cellule d'investigation, qui est censé arrêter les hommes de l'ombre du marché des stupéfiants.

Critique de Tootpadu

L'apologie du crime emprunte des chemins bien subtils dans ce nouveau film de Ridley Scott, qui continue d'égrener les genres. Tout est fait pour ériger le personnage de Denzel Washington en modèle d'une réussite typiquement américaine. Sa détermination, sa débrouillardise et son emploi ciblé, mais impitoyable de la violence, en font une sorte de pendant afro-américain aux parrains légendaires du cinéma, Don Vito Corleone en tête, dont il se rapproche en plus à travers l'attentat avant Noël. Le crime et le marché sale de la drogue ne sont montrés que comme des moyens pour atteindre le statut ultime de la réussite, qui se décline par une série de symboles matériels évidents.
En revanche, l'antagoniste de Frank Lucas, le petit flic irréprochable Richie Roberts, une réplique plus futée de Frank Serpico, doit se contenter des miettes de la flamboyance commerciale de son adversaire. Un mari infidèle, un père indigne, un policier exclu parce que marqué au fer rouge de l'honnêteté sans compromis, Roberts accumule les défauts et les frustrations. Et pourtant, le film a indiscutablement besoin de lui. D'abord, pour équilibrer un peu trop schématiquement la narration, et puis, pour préserver un minimum de perspective morale dans ce conte sur les tentations de la richesse amassée grâce à la drogue.
Plus que les quelques plans de circonstance sur les ravages de la drogue du côté des toxicomanes, placés avec parcimonie comme pour relativiser la glorification de la réussite de Lucas, la présence permanente de Roberts démontre à quel point le rêve américain n'est pas obligé de prendre la direction criminelle du baron de la drogue. Le scénario de Steven Zaillian opère un jeu habile entre deux formes d'honnêteté sur lesquelles est censé se baser la culture américaine : la morale et la commerciale. Au fond, Lucas et Roberts avancent avec la même conviction invincible, qui les oblige, soit à garder une conscience incorruptible, soit à faire tourner une machine à fric sans faille. Dans une telle organisation du monde, les méchants sont forcément les autres : les flics ripoux (Josh Brolin) et les petits dealers clinquants (Cuba Gooding Jr.), qui ne respectent pas la valeur marchande et le rôle honorable de la police.
La conclusion, plutôt décevante et artificiellement rassurante, confirme cette impression d'un film, techniquement des plus efficaces, qui se laisse prendre un peu trop volontairement au jeu de séduction d'un crime, organisé comme une entreprise performante et innovante.

Vu le 15 novembre 2007, à l'UGC Ciné Cité Bercy, Salle 31, en VO

Note de Tootpadu: