Elizabeth L'Âge d'or

Elizabeth L'Âge d'or
Titre original:Elizabeth L'Âge d'or
Réalisateur:Shekhar Kapur
Sortie:Cinéma
Durée:115 minutes
Date:12 décembre 2007
Note:
En 1585, Philippe II d'Espagne, un catholique fanatique, fait construire une immense flotte de bateaux de guerre avec laquelle il compte renverser Elizabeth I. d'Angleterre et permettre à Marie Stuart de monter sur le trône. Alors que le chancelier Walsingham craigne pour la sécurité de la reine vierge, celle-ci s'intéresse au pirate Walter Raleigh.

Critique de Tootpadu

Elizabeth était le récit passionnant et à peine visuellement prétentieux de l'ascension d'une jeune femme déterminée au trône de l'Angleterre. Sa suite chronologique aurait dû fournir une matière au moins aussi captivante, puisqu'elle couvre un autre chapitre important de l'Histoire européenne : la tentative espagnole de renverser Elizabeth. Qu'il n'en est rien, c'est principalement la faute à la mise en scène inepte de Shekhar Kapur, un cas d'école pour un ratage complet, qui néglige horriblement la narration au profit de compositions de plan alambiquées et dépourvues de sens.
Il y a constamment quelque chose qui obstrue le regard dans cette évocation déroutante de la période de maturité de la reine Elizabeth. On connaissait déjà la perspective voilée par des vitres colorisées, employée amplement dans le film de 1998. Ici, le réalisateur se surpasse cependant, en plaçant sa caméra aux endroits les plus arbitraires possibles. En dehors de multiples plongées extrêmes, dont le seul but paraît être la mise en valeur des architectures verticales des cathédrales anglaises, la caméra s'évertue également dans des mouvements abstraits, qui n'apportent rien d'autre au film qu'une impression fort déplaisante de gratuité visuelle. Ce désordre plastique se prolonge à notre grand regret dans le montage, dont le rythme épileptique brouille encore un peu plus la narration défaillante.
Car si l'aspect visuel du film peut nous déconcerter profondément, c'est surtout l'histoire qui en souffre le plus. Quelque part, entre les scènes d'hystérie, de doute et de reprise subite de courage, sommeille en effet le portrait d'une femme complexe, à laquelle les responsabilités royales procuraient autant de peines que de joies. Hélas, la structure morcelée et superficielle de la narration ne nous indique aucune voie d'accès pratiquable à cette époque lointaine et fascinante. Trop souvent, les vignettes furtives disparaissent avant de laisser un impact quelconque. Elles s'exercent plus à la mise en place maladroite d'un décor mal filmé et de personnages sommairement dessinés, qu'à la plongée puissante dans une époque mouvementée, dont la complexité historique est au mieux effleurée.
Clive Owen est le seul rayon de soleil du côté de l'interprétation, grâce à son rôle fringant dans la plus pure tradition d'Errol Flynn, même si celui-ci jouait un personnage différent dans La Vie privée d'Elisabeth d'Angleterre de Michael Curtiz, un autre film elizabethien. Cate Blanchett déçoit par contre fortement dans la reprise du rôle qui l'avait rendu célèbre, il y a neuf ans. La force de caractère et la détermination manipulatrice de son Elizabeth d'antan ont laissé la place à des traits plus vulnérables et instables. Le caractère imprévisible du jeu de Blanchett n'est jamais plus apparent que lors de la scène où elle congédie l'ambassadeur espagnol. L'actrice la commence avec des mouvements presque dansants, comme si elle écoutait de la musique moderne en dessous de sa perruque, avant de se lancer corps et âme dans des explosions de rage guère convaincantes. En même temps, la caméra la garde tellement à distance, que ce soit lors de sa confrontation dans la chapelle avec Bess ou de son discours aux troupes qu'elle tient sur un cheval bien trop nerveux, que les éventuelles qualités de dirigeante de son personnage historique n'arrivent jamais jusqu'à nous.

Vu le 25 octobre 2007, au Club de l'Etoile, en VO

Note de Tootpadu: