Opération diabolique (L')

Opération diabolique (L')
Titre original:Opération diabolique (L')
Réalisateur:John Frankenheimer
Sortie:Cinéma
Durée:107 minutes
Date:12 avril 1967
Note:
Arthur Hamilton mène une existence terne, mais sûre. A cinquante ans passés, il n'a plus grand-chose à dire à sa femme, il n'a plus rien à prouver à son travail dans une banque du centre ville, et il ne voit pratiquement plus sa fille qui est mariée à un futur médecin. Des coups de fil étranges ébranlent toutefois cette vie calme et préservée. Un homme qui prétend être Charlie Evans, le meilleur ami défunt de Hamilton, l'invite à se rendre à une adresse et à participer à un programme qui lui donnerait une seconde chance pour recommencer sa vie, comme il l'avait toujours souhaité.

Critique de Tootpadu

Le décalage entre le rêve et la réalité a rarement été mis en scène avec autant de cruauté et de clairvoyance que dans ce film passionnant des années 1960. Il nous tend une glace peu flatteuse sur l'incapacité inhérente à chaque être humain de changer réellement. L'ambition d'un recommencement, qui prend en plus la forme d'un cercle vicieux, est démasqué comme une chimère, au service d'un mécanisme de marchands de sable impitoyables. En plus, cette Opération diabolique dénonce puissamment le culte de la jeunesse, réservé à une minorité fortunée et masculine de la société.
Elaborée tel un rêve psychédélique, avec des perspectives déformées qui attribuent une place significative aux personnages par rapport au décor, la narration magistrale de John Frankenheimer ne lâche jamais prise. Jusqu'à la conclusion cruelle de ce conte empoisonné, la mise en scène cultive une forme très subtile de paranoïa et d'une réalité parallèle. Alors que le générique excellent de Saul Bass procède à la déformation et à la dissection du visage, la première séquence instaure immédiatement un climat menaçant et incertain, à la subjectivité floue et inquiétante. Dès lors, le cauchemar ne s'arrête plus, puisque le personnage principal ne réussit jamais à s'affranchir de sa condition de prisonnier. Prisonnier de son âge, de la fadeur de son statut social, des machinations de la firme, du corps et du style de vie dont il avait rêvé mais avec lesquels il ne sait pas quoi faire, et surtout l'esclave d'une perception abstraite de lui-même qu'il n'atteindra jamais.
John Randolph et Rock Hudson donnent vie à cet homme profondément frustré avec une intensité et un courage impressionnants. Surtout pour l'ancien jeune premier, le choix de ce rôle difficile a été sans doute la meilleure décision de toute sa carrière. Il lui offre l'occasion d'exprimer plus de doutes et de peines que dans toutes ses comédies légères réunies. Et il remporte le défi haut la main dans une prestation qui aurait dû être célébrée comme une des plus éprouvantes de sa décennie !

Revu le 30 septembre 2007, en DVD, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

« Nous sommes transportés dans une autre dimension, une dimension faite de sons, mais aussi d'esprit. Un voyage au bout des ténébres où il n'y a qu'une destination : la Quatrième Dimension »

La quatrième dimension

Du 2 octobre 1959 au 19 juin 1964, une série fantastique s’imposa pour toujours comme l’une des meilleures de l’histoire de la télévision américaine. En pas moins de cent trente-huit épisodes de vingt-cinq minutes et dix-huit de cinquante minutes, la série de Rod Serling Twilight zone marqua la mémoire de nombreux réalisateurs dont Steven Spielberg. Le huitième film du réalisateur John Frankenheimer (Un crime dans la tête, French connection 2, Le monstre, Ronin) s’apparente à un épisode de cette série par son approche fantastique et par la qualité de son scénario (Lewis John Carlino), de son interprétation (Rock Hudson, John Randolph) que de sa superbe photographie et réalisation.

Adapté du roman de David Ely, le film a une dimension morale importante et une fin typique à l’univers créé par Rod Serling. John Frankenheimer signe ici de très loin son meilleur film et bénéficie de la photographie de James Wong Howe et de la musique de l’un des plus grands compositeurs Jerry Goldsmith qui nous livre une atmosphère terriblement inquiétante et réaliste. Brossant le spectateur à contre poil en livrant une vision guère reluisante d’une Amérique d’une froideur glaciale dans laquelle le dollar est roi. Cette histoire d’un homme qui essaye de changer de vie en changeant d’identité et de visage nous renvoie à des questions d’ordre psychologique pour savoir ce qu’est l’homme réellement savoir si c’est son corps qui le représente ou son âme aussi noire et impalpable soit elle. Ce film révolutionnaire pour son époque fut réalisé avant la libération sexuelle et osa montrer des scènes de nue choquantes pour l’époque.

La teneur très paranoïaque du film reposant sur une multitude de faux semblants est accentuée par la photographie et les angles de caméra. A bien regarder le film, on se rend compte à quel point certains réalisateurs actuels tel Darren Aronofsky ont été influencé par certains plans du film (Requiem for a Dream). Le film montre que l’homme n’est jamais également libre de ses choix et que rien n’est jamais gagné. Seulement quatre ans avant Un crime dans la tête, le réalisateur mettait tout son talent à détruire le mythe américain de l’intérieur et faisait de ce film un objet de controverse aiguisé. Rock Hudson qui était à l’époque du film une des plus grandes stars américaines s’est totalement investi dans son rôle. L’échec du film au box-office fut pour lui le signe d’un déclin de carrière inexorable. Il suffit pourtant de regarder la scène où son personnage transformé en un autre homme revient voir son ancienne épouse en prétendant être un ami de son mari défunt pour se rendre compte à quel point la réussite artistique du film lui revient également. Il est tout simplement parfait dans son rôle.

La vision d’une Amérique ayant perdu ses repères moraux fut reprochée longuement au film ainsi que sa fin désespérante et pourtant logique. Avec le temps, on se rend compte que les chefs d’œuvre tel ce film résiste au temps et reste comme de grands moments de cinéma. Ne l’ayant jamais vu, j’avoue avoir totalement adhéré à cette histoire digne d’un des meilleurs épisodes de ma série préférée. Je ne peux que trop vous conseiller de le voir de toute urgence .

Vu le 21 novembre 2013 au Gaumont Opéra Capucines, Salle 02, en VO

Note de Mulder: