Raisons d'état

Raisons d'état
Titre original:Raisons d'état
Réalisateur:Robert De Niro
Sortie:Cinéma
Durée:167 minutes
Date:04 juillet 2007
Note:
Après de brillantes études, Edward Wilson est recruté pour le nouveau service de renseignements des Etats-Unis. A la veille de la Seconde Guerre mondiale, les Américains se voient en effet dans l'obligation de créer leur propre bureau de services secrets, avec l'aide de leurs alliés britanniques. Wilson évoluera rapidement au sein de la CIA, jusqu'à la débâcle de l'invasion manquée de Cuba, en 1961. Son dévouement professionnel porte cependant préjudice à sa vie privée.

Critique de Tootpadu

Robert De Niro a pris son temps avant de réaliser son deuxième film, après Il était une fois le Bronx il y a treize ans. Presque autant de temps que StudioCanal, qui a repoussé la sortie française de ce film d'espionnage plusieurs fois, pour enfin le larguer au beau milieu de l'été, dans le no man's land entre la fête du cinéma et la bousculade des films de prestige de la rentrée. Mais ne vous laissez pas tromper par les apparences, Raisons d'état, qui avait également changé de titre français au fil des reports, est une oeuvre exceptionnelle, qui mérite toute votre attention.
Ce qui frappe surtout, c'est l'intelligence avec laquelle le scénario excellent d'Eric Roth met en place un arc narratif des plus sophistiqués. Les personnages innombrables et les différentes affaires secrètes des Etats-Unis au coeur du siècle passé sont au service d'une histoire fascinante, qui ne manque ni d'érudition, ni de sérieux. Derrière l'intrigue d'espions se dessine alors le destin tragique d'un homme, qui a servi son pays avec dévouement, mais qui reste au fond perdu, en raison de l'absence de certitudes dans un monde fait d'ombres. La durée plutôt imposante, mais jamais lassante, du film s'emploie avant tout à dessiner cette vie brisée, dépourvue de salut même dans le domaine privé, qui subit de plein fouet les répercussions d'un travail dangereux.
Les dangers de l'existence d'un agent haut placé des renseignements américains n'ont bien entendu rien à voir avec les prouesses anecdotiques d'un James Bond. L'action n'est que vaguement évoquée. Par contre la vraie violence, celle qui détruit le caractère plus que la chair, est constamment à l'oeuvre, au fur et à mesure de l'avancement de Wilson dans la hiérarchie de l'organisation. D'ailleurs, la CIA n'est point montré sous un jour glorieux, mais presque comme une sorte de fraternité suspecte, aux codes et aux règles exclusifs, et en fin de compte pas si éloignée du fonctionnement du crime organisé. La désignation très nette de ses origines, comme une extension d'un groupe de francs-maçons, n'est ainsi qu'un des signes d'une volonté manifeste de ne pas embellir l'histoire. En même temps, le scénario multiplie les pistes pour mettre en opposition les exploits techniques de l'agence (cf. l'analyse de l'enregistrement qui sert de fil rouge à l'histoire) et ses bavures répétées d'appréciation de la situation à une époque où une Troisième Guerre mondiale guettait sans relâche.
Bien que le point fort de Raisons d'état soit son scénario extrêmement bien construit, à la fois tragique et ludique, les autres aspects de son exécution sont presque tout aussi recommandables. A commencer par une mise en scène dense, mais guère pesante, soutenu par une photo très élaborée, un montage sans temps morts et des décors exquis. Au sein d'une distribution très, voire trop luxueuse, où de nombreux vétérans ne font que des apparitions éclair (Joe Pesci, Keir Dullea, Timothy Hutton), Matt Damon trouve son premier rôle exigeant depuis longtemps. On serait presque tentés de mettre son personnage tiraillé constamment entre la volonté de bien faire son travail et la conscience de l'échec de sa vie et de son état d'esprit de plus en plus paranoïaque, au même niveau que ses deux réussites majeures à ce jour, Will Hunting et Le Talentueux Mr. Ripley !

Vu le 18 juin 2007, au Club 13, en VO

Note de Tootpadu: