Ceux qui restent

Ceux qui restent
Titre original:Ceux qui restent
Réalisateur:Anne Le Ny
Sortie:Cinéma
Durée:94 minutes
Date:29 août 2007
Note:
Après s'être croisés fortuitement à l'hôpital où leurs conjoints respectifs sont traités pour des cancers, Bertrand et Lorraine se lient d'amitié. Le fait de se rencontrer tous les jours à l'hôpital, de pouvoir souffler un peu dans le climat oppressant des thérapies et des opérations, et de faire le chemin du retour ensemble, permet à ces deux êtres meurtris de finalement lier une relation plus intime. Une relation qui n'a pas le droit d'exister dans la situation délicate où se trouvent Bertrand et Lorraine.

Critique de Tootpadu

Quand ça ne va pas et quand, en plus, on est impuissant face à la source de son malheur, toutes les choses sont bonnes à prendre pour respirer et pour reprendre goût à la vie. Sur cette prémisse simple et très humaine se base le premier film, en tant que réalisatrice, de l'actrice Anne Le Ny. Et c'est justement la simplicité de l'approche et la banalité du dilemme du couple central, qui nous ont touchés profondément. A partir d'une situation très ordinaire, cet homme et cette femme qui ne le sont pas moins vont faire un bout de chemin ensemble, qu'ils savent d'emblée condamné à une fin prématurée, mais qui représente aussi la seule bulle d'air dans le monde hospitalier déprimant qu'ils doivent affronter jour après jour.
Leur rencontre se base sur la répétition et sur le besoin partagé d'exprimer d'une façon directe, voire cruelle, ce que la maladie du conjoint leur inspire. Le parti pris d'Anne Le Ny, de ne montrer à aucun moment les deux malades, s'avère dans ce contexte extrêmement judicieux. Le titre du film l'indique d'ailleurs très bien, puisque Ceux qui restent s'intéresse précisément à ceux qui n'ont pas d'autre choix que de faire face à la maladie de l'autre, tout en continuant un semblant de vie quotidienne. Ces destins éprouvés par la maladie, la réalisatrice les observe avec beaucoup de respect, mais sans trop de sympathie interventionniste, qui viserait à alléger les peines de Bertrand et Lorraine. Elle ne fait ainsi pas abstraction du caractère un peu sordide de leur liaison et elle n'embellit pas non plus la nature conjoncturelle de leur relation. Sans le drame qui les touche, les deux personnages n'auraient sans doute pas continué à se voir. Et c'est alors fort logiquement que cet amour né de la précarité émotionnelle ne sera pas fait pour durer.
Anne Le Ny aborde son sujet délicat avec une sobriété directe du plus bel effet. Il est en fait rare de voir un premier film aussi juste dans le ton, aussi vivant et vrai, aussi près de la banalité de la vie et éloigné des artifices de la fiction ! Grâce au jeu électrique de Vincent Lindon, en homme meurtri et maladivement introverti, et Emmanuelle Devos, en femme exubérante mais fatalement consciente de sa nature au fond déplaisant, ce film excellent se targue de sa vigueur pour faire fi des pièges larmoyants de l'agonie.
Enfin, à côté du couple vedette tout à fait exceptionnel, la réalisatrice s'est réservé un rôle pas moins entier, qu'elle joue à la perfection. C'est peut-être là la seule minime fausse note de ce premier film très touchant, de voir Anne Le Ny se mettre un peu trop en avant dans un contexte marqué par une pudeur et une humanité parfaitement mesurées.

Vu le 14 juin 2007, au Planet Hollywood Champs-Elysées

Note de Tootpadu: