Zodiac

Zodiac
Titre original:Zodiac
Réalisateur:David Fincher
Sortie:Cinéma
Durée:158 minutes
Date:17 mai 2007
Note:
Le 4 juillet 1969, deux jeunes adultes tombent victimes d'un tueur mystérieux. Ce dernier envoie quelques jours plus tard des lettres aux journaux californiens, dans lesquelles il révendique ce crime et d'autres meurtres, et où il se fait appeler "Zodiac" pour la première fois. Pendant des années, ce tueur en série va semer la terreur à travers l'état de la Californie, tout en narguant la police avec une série de lettres anonymes. Le dessinateur Robert Graysmith, employé au San Francisco Chronicle, va suivre de près l'enquête, et la prendra lui-même en main lorsque la police risque de fermer le dossier, faute de traces crédibles et de preuves.

Critique de Tootpadu

Il y a plus de dix ans, David Fincher avait révolutionné le genre du policier et sa thématique annexe du tueur en série avec Se7en. Quatre films plus tard, il revient à un sujet similaire qu'il traite cependant d'un point de vue sensiblement différent. Dans Zodiac, la police n'est pas plus omnisciente que dans la ville pluvieuse de New York des officiers Somerset et Mills. Et le criminel se fait toujours un vilain plaisir de mener les enquêteurs par le bout du nez. Mais la mécanique du jeu du chat et de la souris diffère au point d'aboutir à deux films profondément dissemblables.
Le point majeur de discordance entre les deux oeuvres, c'est que dans Zodiac, grâce à un souci omniprésent de respecter les faits réels sur lesquels se base le scénario, le tueur n'est jamais identifié clairement, sans l'ombre d'un doute. Alors que la finale mémorable de Se7en visait justement à parfaire le plan diabolique de John Doe, le méchant de ce film-ci n'aspire pas plus que ça à être démasqué. Certes, il y a une charge d'indices assez lourde et une direction plutôt tendancieuse de la part de la réalisation, jusqu'aux explications écrites avant le générique de fin. Mais le but de l'enquête, et du film, n'est pas à proprement parler l'arrestation, mais le chemin, fait de revers et d'impasses.
Dès lors, la structure narrative du film est obligée de s'adapter à ce récit minutieux d'une enquête qui ne l'est pas moins. Pendant la première partie du film, nous suivons ainsi l'enquête policière, très étendue dans le temps, avec des sauts plus ou moins arbitraires, qui couvrira au bout du compte plusieurs années de pistes prometteuses et de suspects fugaces. Suite à cette élaboration studieuse et appliquée de l'affaire du Zodiac, après cent longues minutes qui suffiraient à d'autres réalisateurs plus pressés pour raconter une histoire entière, le récit bascule sur l'enquête privée du journaliste Robert Graysmith. Même si nous avons découvert la plupart des coups de théâtre de l'intrigue à travers les yeux de ce personnage central, ce n'était jusqu'à présent pas vraiment lui, le moteur de l'action.
Une impression qui se confirmera par la suite, par le biais d'une frénésie exclusivement dirigée vers la solution de l'affaire, au détriment d'un développement quelconque du caractère du personnage. En effet, ce Robert Graysmith est tellement fade et sage, à quelques gorgées d'un breuvage bleuâtre près, que ses coups de pression successifs pour accélérer l'enquête doivent forcément rester sans résultat tangible. Le récit même d'une obsession - car c'est au fond de cela que parle la dernière heure du film - manque également d'une motivation réelle. Certes, Graysmith a bien pu être traumatisé par les menaces du Zodiac, mais de là à négliger tous les aspects de sa vie pour se consacrer à ses recherches sur ce cas mystérieux ? On pourrait presque y soupçonner un coup de facilité scénaristique, destiné à faire tenir ensemble une affaire qui s'étendait à travers les décennies.
David Fincher aime bien l'esbroufe technique, qui agit chez lui comme un moyen pour purger le système esthétique. Impossible par exemple d'oublier ces plans à base d'effets spéciaux poussés ... et poussifs, qui faisaient la caméra se balader à travers les fils électriques de la maison, dans le huis-clos intimiste de Panic Room. Dans le cadre aussi factuel qu'une enquête policière plutôt réaliste, les occasions sont rares pour une telle prouesse technique. Ce qui ne signifie nullement que David Fincher ne trouve pas un prétexte gratuit pour y glisser des plans abusivement travaillés, comme la vue plongeante du Golden Gate Birdge ou la construction accélérée d'un gratte-ciel pour indiquer le passage du temps. Pour le reste, sa mise en scène est plutôt solide, sans s'emballer inutilement au cours d'une enquête qui explore plus les différentes pistes pour s'égarer, que l'astuce fictive de trouver un assassin qui ne souhaite pas être appréhendé. A l'image de cet état d'esprit nourri par le doute et la frustration, la photo du film privilégie des couleurs sombres et des sources de lumière discrètes.

Vu le 19 mai 2007, au Max Linder, en VO

Note de Tootpadu: