
Titre original: | Liste de Carla (La) |
Réalisateur: | Marcel Schüpbach |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 100 minutes |
Date: | 09 mai 2007 |
Note: | |
Au cours de l'année 2005, Carla Del Ponte, le procureur général du Tribunal pénal international pour l'Ex-Yougoslavie, multiplie les efforts pour appréhender enfin les derniers accusés de crimes contre l'humanité encore en liberté. Alors que l'étau se resserre autour d'Ante Gotovina, de Ratko Mladic et de Radovan Karadzic, les femmes de Srebrenica commémorent le dixième anniversaire du massacre qui les a privées de leurs maris, leurs frères et leurs fils.
Critique de Tootpadu
Elle avance la tête baissée, attentive aux moindres petits glissements dans l'équilibre précaire de la politique internationale. Elle est consciente de la nature hypocrite de son institution, à la fois investie par les Nations Unies et à la merci du bon vouloir des états, qui poursuivent un agenda de priorités très loin du sien. Et pourtant, Carla Del Ponte ne lésine pas sur les efforts pour traduire les criminels de guerre en justice. Avec le peu de moyens réels dont elle dispose, elle a déjà accompli un travail impressionnant à La Haye. Mais en même temps, le fait de devoir courir sans puissance concrète après des criminels libres de leurs mouvements, de pratiquer depuis des années ce jeu du chat et de la souris disproportionné, comme le dit Del Ponte elle-même, c'est aussi reconnaître à quel point la justice abstraite et idéalisée n'existe pas dans le monde où nous vivons.
Le regard privilégié que le réalisateur suisse Marcel Schüpbach peut jeter derrière les coulisses du TPI est des plus fascinants. A mi-chemin entre une leçon passionnante sur l'histoire contemporaine et un thriller politique situé dans la vie réelle, son documentaire montre les manoeuvres diplomatiques dans les plus hautes sphères sous un nouveau jour. Savamment équilibré entre les coups d'éclat et la routine des réunions et du travail au bureau, La Liste de Carla nous laisse deviner à quel point le combat pour la justice est hargneux et difficile et surtout, combien l'existence même de ces hautes instances juridiques relève plus de la bonne volonté que d'un désir pragmatique d'éradiquer les abus du pouvoir. Comme le dit si bien une des mères de Srebrenica, à La Haye, on sert la vérité, mais pas la justice. Mais à quoi bon s'arrêter à ce stade de la quête de la justice, si l'on ne dispose pas des moyens nécessaires à son application ?
A cette question, le documentaire ne répond pas réellement. Ce qu'il fait cependant, c'est mettre en perspective le quotidien agité du procureur général avec la douleur des victimes. La pertinence de cette démarche n'est pas certaine, tellement l'évocation répétitive du destin de ces femmes marquées par le deuil paraît comme un substitut pour l'absence évidente des criminels. Le lien qui lie les mères de Srebrenica au TPI est ainsi menu et artificiel, comme une tentative maladroite de fonder les démarches internationales de Del Ponte dans une réalité plus modeste et douloureuse.
D'ailleurs, cette tendance à la manipulation s'affiche le plus clairement dans l'emploi d'une musique tout à fait atroce dans ses accents ou larmoyants ou battants. Le sujet en lui-même dispose en effet d'un intérêt largement suffisant, du côté humain et de celui de la tension des tractations, pour très bien se passer d'une surcharge émotionnelle de la part d'une bande originale plutôt navrante.
Vu le 26 avril 2007, au Club Marbeuf
Note de Tootpadu: