Belle toujours

Belle toujours
Titre original:Belle toujours
Réalisateur:Manoel De Oliveira
Sortie:Cinéma
Durée:69 minutes
Date:11 avril 2007
Note:
A la sortie d'un concert de musique classique, Monsieur Husson, un homme distingué d'un certain âge, aperçoit Séverine, une femme avec laquelle il a eu une affaire torride il y a longtemps. Séverine a beau fuir les avances de Husson, elle finit par céder face à son insistance. Pour elle, le seul but de leur rencontre est de lever le dernier secret de leur relation passée.

Critique de Tootpadu

L'étonnement face à la vitalité, à l'élégance ou tout simplement à la beauté cultivée du cinéma de Manoel De Oliveira devient de plus en plus redondant. Au lieu de guetter, dans un état d'esprit macabre, le film ultime du réalisateur portugais désormais âgé de 98 ans, il serait plus sage de se résoudre à une évidence aussi fantasque que fantastique : Manoel De Oliveira continuera de tourner des films pour l'éternité, tout comme chacune de ses oeuvres intimistes occupe une place à part, dans une niche intemporelle et à l'écart de l'agitation des modes et des formes filmiques passagères. Plus que le doyen du cinéma mondial, il est bel et bien le dernier représentant d'une expression filmique artistique, qui cherche à explorer la condition humaine sous sa forme la plus pure et austère.
Belle toujours, qui est en quelque sorte à Belle de jour de Luis Buñuel ce que Before sunset est à Before sunrise de Richard Linklater, fonctionne ainsi comme une répétition enjouée et malicieusement déviante d'une passion flétrie. Les avances de l'homme n'ont au fond rien de galant et la fugacité de la femme cache à peine le dilemme qu'elle éprouve encore envers son passé mouvementé. Leurs retrouvailles ne sont alors pas faites pour aboutir à un renouvellement ou à la conclusion de leur passion, mais pour tourner le couteau dans la plaie de l'écart de conduite, soit par malice, soit par un besoin vital d'être rassuré. En grand homme sage et lucide, Manoel De Oliveira observe le jeu du chat et de la souris à travers les quartiers chics de Paris sans se faire d'illusions sur la possibilité de remonter dans le temps et de reprendre là où le désir charnel avait séparé Husson et Séverine quarante ans plus tôt.
Le réalisateur va cependant encore plus loin dans sa quête formelle et culturelle. Chaque épisode qui rythme le film en petites saynètes, prend une valeur plus profonde que la simple chasse d'un vieil homme passablement graveleux. Autant la pulsion charnelle bout en dessous des expressions élégantes de Husson, autant la place de la culture s'affiche dans toute sa variété et son impact intellectuel. Cela commence avec le concert de Dvorak qui ouvre majestueusement le film, et cet attachement aux implications multiples de la culture européenne se poursuit, par exemple, avec ce long regard sur la statue de Jeanne d'Arc, une des femmes les plus emblématiques ... et les plus énigmatiques, de la place des Pyramides.
Enfin, le choix de Bulle Ogier pour le rôle féminin, à la place de Catherine Deneuve qui est pourtant une habituée du réalisateur, s'avère gagnant. Face à un Michel Piccoli magistral, elle apporte juste ce qu'il faut de délicatesse et de réticence instable pour faire fonctionner à la perfection cette coda passionnelle, notamment lors de la séquence magnifique en ombres chinoises, rythmée par l'extinction successive des bougies.

Vu le 12 mars 2007, au Club Marbeuf

Note de Tootpadu: