Loin d'elle

Loin d'elle
Titre original:Loin d'elle
Réalisateur:Sarah Polley
Sortie:Cinéma
Durée:109 minutes
Date:02 mai 2007
Note:
Grant, un ancien professeur, et Fiona sont mariés depuis quarante-quatre ans. Pour vivre tranquillement, ils se sont installés dans la vieille maison de campagne des grands-parents de Fiona. Lorsque cette dernière commence à perdre la mémoire, le couple consulte un médecin. Le diagnostic est sans appel : Fiona est atteinte de la maladie d'Alzheimer. Son état s'aggrave lentement et, bientôt, Grant ne peut plus la garder chez eux. Elle est alors admise dans une maison spécialisée, où elle s'éloigne petit à petit de Grant.

Critique de Tootpadu

Les rares films qui se font encore de nos jours sur des personnes âgées, alors que la population des pays européens vieillit à vue d'oeil, ont tendance à s'épanouir dans des sentiments douceâtres, censés refléter le crépuscule doré de la vie. Inutile de remonter jusqu'à La Maison du lac ou Miss Daisy et son chauffeur pour voir que les personnes du troisième âge sont traitées peut-être avec trop de considération au cinéma. Le premier long-métrage de l'actrice Sarah Polley, une jeune comédienne au parcours déjà impressionnant, évite la plupart des poncifs pour évoquer avec une délicatesse inouïe le lent déclin d'une femme dans la folie pas si douce de la maladie d'Alzheimer.
Quelques très rares reproches mis à part, comme les courts retours en arrière qui ressemblent davantage au style d'une Isabelle Coixet qu'à la sobriété de Polley, son premier film est à la fois une élégie déchirante et une affirmation de la vie passionnante. Autant la séparation entre Fiona et Grant devient de plus en plus éprouvante, autant ce fait imposé par la maladie permet à la vie de continuer sous une forme différente. L'astuce de Sarah Polley, qui a également écrit le scénario magistral, adapté d'une nouvelle d'Alice Munro, consiste à contrebalancer la démence inéluctable de Fiona avec la rencontre entre Grant et Marian. La narration parallèle pendant la première partie du film permet alors une mise en perspective très réussie et de la situation du mari délaissé en particulier, et de la progression incessante de la vie en général. Ce n'est là qu'un exemple de la capacité de Sarah Polley de guider son sujet épineux sans complaisance, mais avec beaucoup de compassion, jusqu'à la fin inévitable.
Crier déjà à l'Oscar, ou au moins à la nomination, pour l'interprétation excellente de Julie Christie peut paraître prématuré. Mais la dignité, l'humanité et la classe qui s'effrite douloureusement, avec lesquelles elle anime son personnage disposent d'un impact émotionnel tout à fait exceptionnel. Elle sonde les inconnus et les imprévus de la maladie avec une finesse et un manque de pathos simplement sublimes. A ses côtés, Gordon Pinsent, Olympia Dukakis et Michael Murphy incarnent avec une implication tout aussi authentique des rôles pas plus faciles à jouer. D'ailleurs, la qualité principale à la fois du film et de l'interprétation se trouve là : dans la sobriété constante qui fait entièrement confiance à la force émotionnelle de l'histoire.

Vu le 8 mars 2007, au Club de l'Etoile, en VO

Note de Tootpadu: