Babel

Babel
Titre original:Babel
Réalisateur:Alejandro Gonzalez Iñarritu
Sortie:Cinéma
Durée:142 minutes
Date:15 novembre 2006
Note:
Au Maroc, une touriste américaine est grièvement blessée par une balle égarée. Au Mexique, une nounou emmène les deux enfants américains dont elle a la charge au mariage de son fils. Au Japon, une fille sourde et muette cherche à trouver un homme à qui elle plaît.

Critique de Tootpadu

Avant Babel, il y avait les films à la crème européenne, des co-productions indigestes sans caractéristiques nationales définissables, qui promouvaient un idéal vague et inapplicable de la culture européenne globale. Depuis ce film, récompensé à Cannes avec le prix de la mise en scène, il faudra compter avec des oeuvres à la sauce internationale, des mélanges gris et superficiels qui se dressent, plein d'arrogance artistique et sociale, comme la somme des préoccupations de la planète au moment de leur production. Leur point de vue ne sera pas celui d'un humanisme qui franchit les frontières pour s'adresser directement au coeur, mais celui des touristes, distancié et en référence constante aux Etats-Unis. En effet, ce n'est pas depuis Lost in Translation que nous avons vu un film autant paralysé dans sa conception du monde par le regard effaré des Américains sur tout ce qui a trait à l'étranger.
Le plus navrant dans cette démarche est que le scénariste et le réalisateur ne sont même pas américains. Leurs origines mexicaines auraient dû leur permettre de porter un regard plus réfléchi, moins superficiel, et sur leur propre pays, et sur la situation au Maghreb. A la place, ils se confondent longuement dans les cauchemars de chaque touriste dépendant et de chaque clandestin faussement naturalisé. Le climat actuel qui voit des terroristes ou des immigrants illégaux partout leur sert de prétexte pour étayer ces préoccupations internationales de la façon la plus évidente et la moins subtile possible. Malgré un chantage émotionnel pesant, pas le moindre sentiment authentique ne découle de ce livre d'images à l'esthétique très creuse.
Tandis que les volets marocains et mexicains affichent encore une certaine légitimité, le tier du film qui se déroule au Japon se débat désespérément pour trouver une raison d'être. Faute d'un lien étroit avec le reste du film, à l'exception de l'objet beaucoup trop lourd de sens, l'histoire de Chieko s'appuie sur les seules difficultés de communication et de compréhension pour subsister. Le reste n'est qu'un drame urbain d'adolescentes perturbées comme des dizaines d'autres. Et au lieu de percer réellement le mal-être de la jeunesse japonaise, comme l'ont fait des réalisateurs asiatiques, Alejandro Gonzalez Iñarritu préfère recourir à la traduction formelle la plus banale de l'handicap (la séquence dans la boîte de nuit).
Enfin, la structure narrative se veut astucieuse, voire audacieuse, dans ses transitions juste au moment où l'action sur l'un des décors culmine. Mais le lien entre les différents épisodes devient très vite prévisible, et le morcellement temporel est alors démasqué comme une pirouette formelle vaine supplémentaire.

Vu le 12 janvier 2007, au MK2 Hautefeuille, Salle 1, en VO

Note de Tootpadu: