
Titre original: | Flûte enchantée (La) |
Réalisateur: | Kenneth Branagh |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 140 minutes |
Date: | 13 décembre 2006 |
Note: | |
Au début de la Première guerre mondiale, le jeune Tamino est empoisonné par des gaz au cours d'une attaque. Sauvé par trois infirmières, Tamino rencontre alors Papageno, le responsable des oiseaux qui sont censé donner l'alarme dans les tranchées en cas d'attaque au gaz. Ensemble, les deux hommes sont envoyés par la Reine de la nuit pour libérer sa fille Pamina, enlevée par le redoutable Sarastro.
Critique de Tootpadu
Grâce au travail de Kenneth Branagh, les pièces de William Shakespeare ont connu une énième jeunesse tout au long des années 1990. Que ce soit Henry V, Beaucoup de bruit pour rien ou son adaptation fleuve de Hamlet, le réalisateur britannique a excellé à plusieurs reprises dans le transfert d'oeuvres de scène sur grand écran. Ce rôle d'éducateur des masses lui sied malheureusement de plus en plus mal, depuis le décevant Peines d'amour perdues et dans l'attente de Comme il vous plaira. Le destin de cet artiste polyvalent paraît en outre étroitement lié à l'oeuvre de l'auteur vedette anglais. Les quelques écarts de l'univers de Shakespeare, comme l'adaptation du Frankenstein de Mary Shelley, se sont ainsi soldés, la plupart du temps, par un échec.
L'homme de théâtre n'est pas non plus automatiquement un ambassadeur adéquat et adroit de l'opéra. Cette deuxième adaptation majeure au cinéma de l'oeuvre lyrique de Mozart, après celle d'Ingmar Bergman dans les années 1970, démontre ainsi clairement les limitations du style récent de Branagh. Nous ne nous permettrons pas de juger les prouesses musicales qu'exige la partition magistrale du compositeur, mais du côté de la mise en scène cinématographique le constat se doit d'être plus sévère. La transposition de l'action sur les champs de bataille de 14-18 nous réserve quelques surprises et trouvailles plutôt ingénieuses, tel l'emploi de Papageno, l'ancien marchand d'oiseaux, comme gardien de l'alarme anti-gaz animalière. Toutefois, cette mise à jour n'atteint jamais l'importance narrative qui la justifierait entièrement. Dans le même genre d'opportunité guerrière, l'adaptation de Richard III par Richard Loncraine nous paraissait infiniment plus satisfaisante.
Là où cette version de La Flûte enchantée frise cependant régulièrement le ridicule ou le pompeux, c'est dans le recours systématique aux effets numériques les moins crédibles et dans une mobilité excessive de la caméra. Abusivement inspiré par les prouesses visuelles d'un Peter Jackson dans la trilogie du Seigneur des Anneaux, Kenneth Branagh multiplie les mouvements de caméra vertigineux à travers des décors dont la laideur porte témoignage de leur origine artificielle. Très rarement plaisant à regarder, son film constitue ainsi l'exemple parfait de la rencontre peu concluante entre une partition aux valeurs intemporelles et un style visuel qui cherche vainement à être à la pointe du progrès technique.
En dépit de ses qualités de vulgarisation d'un matériel lyrique autrement moins accessible, cette adaptation assez fluide et trop lisse de l'opéra de Wolfgang Amadeus Mozart nous laisse espérer que Kenneth Branagh retrouve rapidement le seul auteur avec lequel il se sent vraiment à l'aise : William Shakespeare. Ce qui enterre définitivement nos espoirs de voir en lui un digne héritier de Laurence Olivier, un artiste au parcours indiscutablement plus varié et plus prestigieux.
Vu le 20 novembre 2006, à l'Elysées Biarritz, en VO
Note de Tootpadu: