Des hommes d'influence

Des hommes d'influence
Titre original:Des hommes d'influence
Réalisateur:Barry Levinson
Sortie:Cinéma
Durée:88 minutes
Date:29 avril 1998
Note:
A peine deux semaines avant l'élection présidentielle aux Etats-Unis, le chef de l'état est impliqué dans un scandale sexuel avec une majorette. Pour étouffer l'affaire et ne pas mettre la réélection du président en danger, le conseiller spécial Conrad Brean est dépêché à Washington. Dans un premier temps, ce dernier établit un écran de fumée médiatique, qui est censé détourner l'attention du scandale, sur le point d'éclater au grand jour. Mais pour tenir jusqu'au scrutin, il lui faudra employer de plus gros moyens. Il fait alors appel au producteur hollywoodien Stanley Motss, un expert des grands spectacles émotionnels, pour lui concocter l'illusion d'une guerre contre l'Albanie.

Critique de Tootpadu

Quand la réalité imite la fiction ... La place de ce film dans l'Histoire américaine est à jamais assurée, grâce à l'affaire Lewinsky, survenue juste après sa sortie, qui comporte des similitudes bluffantes avec le scénario. Mais cette satire mordante va bien plus loin qu'un pamphlet opportuniste qui aurait été au bon endroit au bon moment. C'est l'image même de l'Amérique qui est sondée, jusqu'au plus profond de son âme tourmentée. Le rapport aux médias et la capacité inépuisable de créer et de maintenir l'illusion y sont passés au crible, avec une intelligence et une clairvoyance exceptionnelles. Le constat de plus en plus prophétique qui s'en dégage met en garde contre ce monde de l'abstraction, que l'on appelerait de nos jours le virtuel, et de la crédulité envers les médias dont nous sommes prisonniers, que nous le voulons ou pas. Toutefois, l'ironie grinçante du récit garde une petite part d'admiration devant ce don de l'improvisation constante et de l'imagination débordante, qui réussit malgré toutes les embûches à préserver le mensonge du rêve américain.
Les deux forces principales derrière ce film jubilatoire sont le scénario et l'interprétation. Le style plutôt sec des scénaristes David Mamet et Hilary Henkin garde un rythme élevé, qui emporte avec lui, à la fois, la suite de plus en plus improbable des événements et la conscience de leur nature frauduleuse. Fermement enraciné du côté des marchands de sable, et en ignorant encore que la crédulité des masses apparaîtra au grand jour dans le monde réel peu de temps plus tard, le scénario dévoile les mécanismes de la manipulation avec une satisfaction ironique irrésistible. Et cet état des lieux grinçant sur les médias se laisse facilement extrapoler vers l'univers du cinéma, qui croit, et fait croire, encore plus volontairement aux illusions qu'il produit.
Du côté de l'interprétation, le rôle le plus juteux revient à Dustin Hoffman, qui accomplit de véritables prousses avec ce personnage d'un producteur hollywoodien entièrement absorbé dans ses chimères. Le spectacle le plus réussi est celui auquel adhère même son créateur, et l'enthousiasme grandissant de Stanley Motss montre à quel point il est tentant de se prendre soi-même au jeu de l'illusion. Le fanatisme et la vanité avec lesquels il approche cette tâche difficile sont les deux piliers qui portent l'interprétation de Dustin Hoffman au sommet. En comparaison, Robert De Niro est la sobriété même. Ce qui ne veut pas dire qu'il se laisse balayer de l'écran, comme c'est hélas trop souvent le cas de Anne Heche, hystérique et fade.
Enfin, la mise en scène de Barry Levinson ne trouve pas toujours la mesure adéquate entre une photo joliment contrastée et un montage plutôt déconcertant. Pendant que le scénario avance à grands pas, la profusion de plans de remplissage (les voitures et les vues d'extérieur) laisse le film dans son ensemble sensiblement à la traîne.

Revu le 23 mai 2007, en DVD, en VO
Revu le 26 août 2008, en DVD, en VO

Note de Tootpadu: