
Titre original: | Mala noche |
Réalisateur: | Gus Van Sant |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 75 minutes |
Date: | 11 octobre 2006 |
Note: | |
A Portland, dans l'Oregon, le jeune Walt travaille dans l'épicerie d'un quartier pauvre. Il tombe passionnément amoureux de Johnny, un adolescent vagabond mexicain, qui passe de temps en temps dans le magasin. Walt aimerait tant coucher avec Johnny, son fantasme, mais il se retrouve finalement avec Roberto, un ami de Johnny, lorsque ce dernier disparait du jour au lendemain de la ville.
Critique de Tootpadu
Mieux vaut tard que jamais pour découvrir le premier film de Gus Van Sant. Pour notre part, puisque l'Allemagne comptait parmi les premiers pays à le sortir il y a presque vingt ans, il s'agit plutôt de retrouvailles avec une oeuvre d'une force brute et d'une sensualité sauvage incomparables. En tant qu'entrée en la matière, nous n'avons vu que très peu de débuts de filmographies aussi exhaustifs que ce tour de force qui englobe à la fois toute l'esthétique du cinéma indépendant des années 1980 et la plupart des voies artistiques que le réalisateur allait emprunter par la suite. Seulement Citizen Kane pour Orson Welles et Shadows pour John Cassavetes s'approchent dans leur richesse thématique et formelle de ce que Gus Van Sant a accompli avec cette nouvelle filmique sombre et stylisée.
Toute la liberté de ton qui a ressuscité, grâce aux trois derniers films du réalisateur, une carrière qui se dirigeait dangereusement vers le no man's land commercial, se trouve déjà ici. Autant la balade d'un homme aux désirs frustrés à travers un environnement glauque qu'une ballade rêveuse, avec quelques accents cauchemardesques, sur des rapports de dépendance et de séduction, ce film opère un pouvoir de fascination exceptionnel. Au carrefour du rythme languissant d'un film de Wim Wenders, auquel son décor urbain fait également penser, et de l'esthétique gaie instinctive qui entretient un lien curieux avec le noir & blanc plus léché d'un Isaac Julien, dans Looking for Langston par exemple, cette "mauvaise nuit" à passer demeure cependant dans un optimisme qui tire toute sa force de l'instant fantasmé. Le personnage central préfigure en ce sens les sentiments refoulés dans My Own Private Idaho, sans que son histoire d'un amour impossible ne se laisse accabler par le désespoir. Car là réside peut-être la force thématique majeure de Gus Van Sant : de balancer avec une assurance ahurissante pour un premier film la tristesse et la joie, l'espoir et la misère.
Enfin, saluons une fois de plus la politique de distribution d'une qualité exceptionnelle de la part de MK2, qui poursuit sur sa lancée des (res)sorties d'oeuvres majeures du patrimoine cinématographique, après les Chaplin, les Truffaut ou encore Le Mécano de la Général. Si seulement, ils étaient aussi scrupuleux dans les conditions des projections pour la presse, puisque celle-ci s'est effectuée une fois de plus en vidéo.
Revu le 29 août 2006, à la Salle MK2, en VO
Note de Tootpadu: