Jeune fille de l'eau (La)

Jeune fille de l'eau (La)
Titre original:Jeune fille de l'eau (La)
Réalisateur:M. Night Shyamalan
Sortie:Cinéma
Durée:110 minutes
Date:23 août 2006
Note:
Cleveland Heep, le gardien d'une résidence à Philadelphie, a remarqué des activités étranges la nuit, autour de la piscine commune. L'enquête qu'il mène parmi les habitants pour leur rappeler l'interdiction de se baigner après sept heures ne donne rien. Le soir suivant, il surveille de plus près la piscine et il fait alors la connaissance de Story, une jeune fille farouche, qui est venue là pour accomplir une mission aussi incroyable qu'essentielle.

Critique de Tootpadu

Coup de publicité réussi pour la Warner, qui s'est assuré les services de Zeus pour inonder tout Neuilly dans une averse orageuse violente juste avant la projection de cette oeuvre aquatique. Mais ce coup de tonnerre n'est rien en comparaison avec l'éclat provoqué par un film étrange et atypique, un rêve éveillé fascinant que l'on n'attendait plus du manipulateur répétitif M. Night Shyamalan !
Le ton est donné dès le début, même si le préambule à travers des dessins minimalistes n'est peut-être pas la meilleure façon de rentrer dans le monde fantastique du conte. Car le réalisateur tente, encore plus que dans ses films précédents qui comportaient déjà des accents appuyés d'un monde éloigné de la réalité, de s'approprier corps et âme un univers fait de légendes et de forces surhumaines. Cependant, ce mouvement d'aspiration vers une immersion totale s'accompagne d'un abandon tout aussi entier à une histoire curieuse, aux partis pris peu conventionnels. M. Night Shyamalan croit entièrement en son film, aussi abstrait et bizarre soit-il, et il y fait preuve d'une audace inouïe quand il plonge dans les eaux incertaines de la naïveté assumée. Car, cette Jeune fille de l'eau est un film sur la foi comme nous n'en avons pas vu beaucoup avant lui. Mais là encore, cette approche de la croyance est brisée, interrogée, voire raillée, constamment, comme pour mieux souligner sa futilité.
En effet, les points d'interrogation ne manquent pas au sein d'un récit qui devrait pourtant nous rallier à une cause abstraite. L'exploit du film est par conséquent de dresser un univers clos fascinant, plus près de l'humanité d'un Frank Capra et du côté fantastique d'un Peter Jackson que de la pose plate qui paralysait les films précédents du réalisateur, et de le miner sans relâche à travers une contradiction magistrale. Pourquoi, sinon, sommes-nous touchés par la grâce de certaines séquences, alors que l'on ne peut s'empêcher de rire d'elles en même temps ? Et pourquoi les moments les plus intenses nous inspirent simultanément une distance analytique et réfléchie, une invitation à la réflexion qui ne se trouve plus tellement dans le vocabulaire cinématographique mâché de notre époque ? A notre humble avis, M. Night Shyamalan tente ici le grand écart de l'artiste, l'acrobatie suprême qui ne réussit que très rarement : montrer et démontrer en même temps, construire à la perfection et démolir sans hésitation. Et il est victorieux la plupart du temps dans son expression audacieuse qui privilégie les cadrages obliques et incongrus, mais oh si parlants. Et bien sûr, il se donne lui-même une fois de plus le rôle clef du film, comme pour mieux insister qu'il s'agit bien ici d'une création personnelle pour laquelle il assume toute la responsabilité.
Dans le réseau fascinant de cette histoire onirique sans filet de secours, les détails perfectibles se font rares, à moins que l'on ne considère toute l'entreprise comme un ratage monumental, à la manière du public et des critiques américains qui l'ont littéralement assassinée. Le seul élément peu convaincant, ce sont les bêtes mythologiques qui associent maladroitement des effets mécaniques et numériques pour un résultat presque pitoyable. Heureusement, elles prennent pratiquement une place secondaire dans le grand récit foisonnant autour de l'humanité et du dispositif cinématographique.

Vu le 7 août 2006, à la Salle Warner, en VO

Note de Tootpadu: