Tideland

Tideland
Titre original:Tideland
Réalisateur:Terry Gilliam
Sortie:Cinéma
Durée:120 minutes
Date:28 juin 2006
Note:
Le quotidien lugubre de la petite Jeliza-Rose, la fille de deux drogués, est émerveillé par les histoires que son père Noah, une ancienne star du rock, lui raconte et par son monde imaginaire peuplé d'amies sous forme de têtes de poupée mutilées. Lorsque sa mère, Queen Gunhilda, meurt d'une overdose, Jeliza-Rose part avec son père à la campagne, afin de s'y installer dans la maison délabrée et isolée de sa grand-mère.

Critique de Tootpadu

Depuis ses débuts, Terry Gilliam a sans cesse tenté de créer un conte pour adultes, c'est-à-dire un film qui associerait parfaitement des éléments issus du conte classique et des aspects étranges qui le rendraient peu approprié pour les enfants. Jusqu'à présent, la plupart de ses films s'aventuraient un peu trop soit d'un côté du spectre, ce qui donnait des contes de fées opulents (Les Aventures du baron de Münchausen) et insipides (Les Frères Grimm), soit de l'autre avec des délires visuels et narratifs (Las Vegas Parano). Et même dans son film le plus abouti à ce jour, Brazil, ce trait marquant de son oeuvre s'efface derrière un cadre infiniment plus redevable à la science-fiction et à l'anticipation.
Notre surprise et notre enchantement sont par conséquent d'autant plus grands que Tideland n'est à la base qu'une oeuvre de transition, une occupation bienvenue le temps de régler les différents artistiques avec les frères Weinstein autour des Frères Grimm. Gilliam nous plonge ici corps et âme dans un univers unique qui répond à la cruauté et au désespoir du monde réel par une poésie imaginaire à la fois triste et belle. Le ton de son film se distingue par le rapport étroit qu'il entretient avec les banalités et les petites perversités de la vie quotidienne. Il ne répond pas à l'abandon désolant de Jeliza-Rose avec de la cruauté ou une fugue détachée dans des fantaisies irréelles, mais il ancre tous les délires de son personnage principal dans une réalité peu glorieuse mais bien plausible. Le voyage fantasmatique de la jeune fille, qui n'exclut pas une approche innocente de la sexualité et un détachement complet de la mort sous différentes formes, s'inscrit alors dans le désespoir campagnard et l'isolation la plus totale. Gilliam y réussit probablement pour la première fois à nous fasciner par son humour malsain et sa création d'un univers onirique qui garde en permanence un lien fort avec une réalité misérable.
L'équilibre délicat de l'histoire qui sautille nerveusement d'un état mental à l'autre, est merveilleusement enrichi par le style visuel typique de Terry Gilliam. Les cadres chargés du début s'épurent progressivement dans un décor champêtre magnifique. L'étrangeté suscitée par des cadrages obliques est accentuée davantage par une bande son particulièrement travaillée.
Enfin, la jeune Jodelle Ferland est saisissante de complexité dans un rôle qui exige un investissement total pour faire fonctionner ce conte dérangeant. A ses côtés, Jeff Bridges, Janet McTeer et Jennifer Tilly campent admirablement des personnages hauts en couleur. Cependant, le jeu de Brendan Fletcher fait trop penser aux maniérismes de Brad Pitt dans L'Armée des douze singes.

Vu le 15 juin 2006, au Club 13, en VO

Note de Tootpadu: