Marie Antoinette

Marie Antoinette
Titre original:Marie Antoinette
Réalisateur:Sofia Coppola
Sortie:Cinéma
Durée:122 minutes
Date:24 mai 2006
Note:
En 1770, Marie Antoinette, fille de l'impératrice d'Autriche Marie-Thérèse, part pour la France afin d'y épouser le dauphin Louis Auguste. Jeune et innocente, l'adolescente a le plus grand mal à s'habituer au protocole de Versailles. En plus, son mariage avec le futur roi de France n'est pas consommé pendant des années, ce qui la place en position délicate, faute d'un héritier qui assurerait la continuité de la lignée. A la mort de Louis XV en 1774, Marie Antoinette devient la reine de France, à côté de son époux Louis XVI. Mais même si elle donne naissance à trois enfants, sa réputation se déteriore en raison de son style de vie opulent et follement dépensier.

Critique de Tootpadu

Sofia Coppola revient en grande forme avec son troisième film, après le décevant Lost in Translation. Il est en effet étonnant de constater à quel point elle infiltre avec brio une culture française révolue, là où elle avait le plus grand mal à se défaire de son point de vue de touriste américain au Japon dans son précédent film. Le vaste tableau qu'elle peint de la vie à la cour de Louis XV et XVI porte en effet une attention exemplaire au moindre détail et aux excès d'un protocole très strict.
Ainsi, la première partie du film, à peu près jusqu'à l'ascension de Marie Antoinette au trône, est une étude passionnante sur les difficultés d'adaptation d'une jeune fille innocente et passablement gâtée au cadre de vie fortement codifié de Versailles. L'opulence visuelle de chaque plan fonctionne à ce moment en tant que symbole pour le creux sentimental que doit éprouver la dauphine, une couveuse qui ne remplit pas son rôle principal : de procréer pour la royauté. Cette finalité biologique, avec tous les ragots qui l'accompagnent, dévoile en partie la face sombre de la monarchie. Enfermée dans son univers clos, Marie Antoinette doit en quelque sorte accomplir l'acte suprême d'initiation, coucher avec le dauphin et donner un fils à la France, afin d'en faire réellement partie.
Et ce n'est donc pas par hasard que l'horizon de cette femme énigmatique s'élargit au retour de sa première sortie clandestine à Paris, qui coïncide avec la disparition de Louis XV. Désormais, Marie Antoinette est la maîtresse de la cour, de laquelle elle s'évade pourtant dès qu'elle peut. Au faste magnifique du début, un festin pour les yeux comme on n'en voit pratiquement plus au cinéma, succède alors une période d'introspection qui aboutit à une sorte de compromis personnel entre les caprices d'une hédoniste rêveuse et les exigences d'une femme d'état. Le rythme du film change en même temps perceptiblement. Les petites touches de pinceau méticuleux du début sont remplacées par des traits plus amples et approximatifs. Sofia Coppola s'aventure presque sur le terrain d'une poésie visuelle digne d'un Terrence Malick avec son évocation elliptique des dernières années de la reine à Versailles. Des plans moins bouchés et plus contemplatifs, ainsi que l'emploi continu de la voix off, rapprochent en effet les styles des deux cinéastes.
Ce basculement narratif romp certes l'équilibre du film, mais il apporte une touche finale plus modérée à l'orgie visuelle qui l'a précédée. Et au milieu de ces mille et une couleurs roses, Kirsten Dunst porte le film sur ses épaules avec une finesse, une espièglerie et un côté opaque que l'on ne lui connaissait pas.

Vu le 2 octobre 2006, au Lincoln, Salle 3, en VO

Note de Tootpadu: