Transamerica

Transamerica
Titre original:Transamerica
Réalisateur:Duncan Tucker
Sortie:Cinéma
Durée:103 minutes
Date:26 avril 2006
Note:
Bree compte les jours jusqu'à l'opération qui fera d'elle ce qu'elle a toujours voulu être : une femme. Elle a accompli le marathon administratif à travers toutes les instances psychologiques de l'Etat, elle a réservé une date à la clinique pour laquelle elle a dû attendre un an, elle a mis suffisamment d'argent de côté et elle est soutenue entièrement par sa thérapeute. Mais un seul coup de fil, de son fils prétendu et duquel elle ignorait tout, qui a été arrêté par la police à New York, va chambouler ce plan de l'accomplissement personnel si soigneusement préparé.

Critique de Tootpadu

Les transsexuels ont jusqu'à présent connu un traitement encore plus humiliant que les homosexuels de la part du cinéma. Alors qu'il est presque considéré comme branché d'être gay de nos jours, une tendance aussi frivole qu'incertaine, et que les personnages homos sont de plus en plus courants dans les films grand public depuis une dizaine d'années, les transsexuels gardent cette aura suspecte et bizarre, qui est l'expression même de la discrimination, dans les films du XXIème siècle. Très rares sont les personnages trans qui ne sont pas traîtés comme des parias ou des hommes et des femmes atteints de troubles identitaires sérieux. Même des films aussi décomplexés que Priscilla, la folle du désert ou Boys don't cry n'arrivent pas tout à fait à intégrer ce phénomène social sans faire de vagues.
La démarche de Duncan Tucker est plutôt à l'image de sa protagoniste qui cherche seulement à passer inaperçue en tant que femme. Le militantisme et la réclamation du droit à la différence affichée fièrement ne sont ainsi point du ressort du film. Mais ce refus de rentrer dans le jeu de l'engagement social rend l'histoire d'autant plus universelle et touchante. Au fond, Transamerica n'a d'autre ambition que d'être un "road-movie" qui explore les rapports conflictuels entre un père et son fils. Le choc qui s'y opère est davantage marqué par la différence de générations et de cultures, que par des échelles de valeur morale décalées. D'ailleurs, Bree et Toby ne s'entendent guère mieux parce qu'ils sont tous les deux issus de groupes sociaux minoritaires. Au contraire, la conception de la sexualité est le point sur lequel les deux personnages se distinguent le plus, jusqu'à amorcer le dévoilement de vérités encombrantes.
L'état d'esprit du film a beau être d'une grande tolérance et parcimonieux en pathos, ce n'est pas lui qui fait la force de cette histoire douce-amère. Le jeu de mot du titre indique en effet que Transamerica s'emploie également à nous montrer une certaine Amérique qui sort de l'ordinaire. Les différentes rencontres des deux voyageurs fournissent un prétexte idéal pour dépeindre un coeur des Etats-Unis qui ne bat peut-être pas comme nous le croyions. Que ce soit la réunion de transsexuels qui chantent des chansons folkloriques, ou l'Indien qui s'éprend de Bree et qui lui avoue toutes ses faiblesses, ou bien la famille de Stanley qui est profondément détraquée en dessous des apparences huppées, les occasions ne manquent pas pour nous surprendre avec une vision de la culture américaine sans trop de préjugés. Et qui serait plus qualifié pour terminer cette histoire très américaine que la chanteuse country par excellence, Dolly Parton, avec une chanson exceptionnelle ?
Enfin, Felicity Huffman est très convaincante dans un rôle plutôt difficile. Elle arrive à souligner la dimension humaine de Bree, ses phobies d'une femme de la ville, et son mental qui est capable d'évoluer bien au delà de la transformation sexuelle.

Vu le 27 avril 2006, à l'UGC Ciné Cité La Défense, Salle 5, en VO

Note de Tootpadu: