Mémoires d'une geisha

Mémoires d'une geisha
Titre original:Mémoires d'une geisha
Réalisateur:Rob Marshall
Sortie:Cinéma
Durée:142 minutes
Date:01 mars 2006
Note:
Lorsque sa mère tombe malade, la petite Chiyo est vendue avec sa soeur à une maison de geishas. Elle y commence en tant que servante et devra bientôt aller à l'école des geishas. Mais la jalousie et le mauvais caractère de Hatsumomo, la geisha vedette de la maison, font apparaître Chiyo comme une voleuse et une menteuse. Elle devient alors l'esclave de la maison, jusqu'à ce que son amour pour un riche industriel et un coup de pouce du destin la transforment en la geisha la plus courtisée de toute la ville.

Critique de Tootpadu

La beauté visuelle que ce film épique dépense sans compter est à la fois son plus grand atout et son talon d'Achille. Du début jusqu'à la fin, les couleurs choyantes se succèdent sans cesse, les décors et les costumes sont amplement mis en valeur, et les compositions soignées des plans donnent un aperçu du Japon des années 1930 et '40 digne de l'album photo le plus luxueux. Il n'y a en effet pratiquement rien à reprocher à l'aspect esthétique de ce mélodrame, tellement il impose avec insistance son cadre brillant. La qualité de la photo, des costumes, ou encore de la musique devra lui assurer une jolie petite pluie de récompenses aux Oscars dans quelques jours. Une reconnaissance largement méritée, tellement l'oeil est gâté par tant de beauté affichée avec ostentation.
Et pourtant, ce deuxième film de Rob Marshall, après Chicago, est d'une vacuité assez étonnante. Au début, nous osions encore espérer que toute cette opulence visuelle ne sert que de reflet du style de vie, fait d'apparences superficielles, des personnages. Ce prolongement d'un des thèmes du film (être belle pour plaire) aurait donné au faste de la forme une justification à l'intelligence irréfutable. Seulement, le drame existentiel de Chiyo, qui devient le fantasme ambulant Sayuri, ne se libère jamais de son ton proche d'un roman populaire, rythmé par des revirements émotionnellement chargés. La chronique d'une femme soumise respecte en effet la plupart des conventions du genre, y compris la voix off nostalgique et le maintien du statu quo quant à la position réservée aux femmes dans la société japonaise. Le colportage sans âme d'une existence malgré tout dégradante s'accorde en fin de compte assez bien avec le cadre pompeux. Ce dernier applique une ultime couche de connivence, le sceau d'approbation cinq étoiles, à un destin qui semble tout droit sorti d'un roman de gare.
L'origine américaine des fonds de production oblige, Mémoires d'une geisha fait partie de ces films bâtards qui n'osent pas s'engager entièrement du côté du pays dans lequel ils jouent. Si les comédiens sont ainsi pratiquement tous asiatiques, mais même pas majoritairement japonais, ils n'ont pas le droit pour autant de s'exprimer dans la langue nationale. Les entendre parler en anglais, avec de petites bribes de japonais sans doute pour ajouter un peu de coloris exotique, nous rappelle alors péniblement l'époque pas encore si loin, lorsque même les comédiens qui interprétaient les rôles asiatiques étaient des Américains maladroitement maquillés. Comme quoi le succès planétaire de Tigre et dragon a manqué de galvaniser le courage des producteurs hollywoodiens.
Un festin pour les yeux, avec le cerveau mis au repos.

Vu le 21 février 2006, au Planet Hollywood Champs-Elysées, en VO

Note de Tootpadu: