Woodsman (The)

Woodsman (The)
Titre original:Woodsman (The)
Réalisateur:Nicole Kassell
Sortie:Cinéma
Durée:86 minutes
Date:15 mars 2006
Note:
A sa sortie de prison, après une peine de douze ans pour pédophilie, Walter a beaucoup de mal à se réintégrer dans la société. Surveillé de près par la police et suivi par un thérapeute, il veut éviter à tout prix la rechute, en dépit des pressions sociales et des statistiques très défavorables.

Critique de Tootpadu

La pédophilie fait partie de ces sujets qui mettent invariablement mal à l'aise et qui sont enfermés dans le domaine du tabou social au point de rendre toute approche modérée pratiquement impensable. Le pédophile, puisque cette aberration sexuelle n'est représentée au cinéma que sous les traits masculins, n'a droit qu'au statut du monstre dépravé, du rejet de la société qu'il faut impérativement mettre à l'écart. Le point de départ de ce premier film de la réalisatrice Nicole Kassell, qui sort enfin en France, se distingue alors des autres, rares incursions dans cette niche inconfortable ces dernières années, comme Happiness ou dans le genre documentaire Capturing the Friedmans. Ici, le mal est déjà fait et la sentence prononcée. Que devient un homme pédophile une fois qu'il a purgé sa peine et qu'il doit affronter de nouveau le monde extérieur avec ses tentations incessantes et son jugement moral sans appel, c'est la question à laquelle le film tente d'apporter une réponse possible.
Une réponse qui évite constamment la facilité, que ce soit du côté de la condamnation de ce fléau social ou du point de vue de l'humanité des personnages. En effet, personne ne sait réellement comment agir face à cette tare honnie. Ni le beau-frère qui est le seul à garder le contact de la part de la famille, en guise de renvoi d'ascenseur pour remercier Walter d'avoir accepté qu'un latino-américain épouse sa soeur. Ni la copine qui prétend être coriace et dure, mais qui est sous le choc lorsqu'elle apprend ce détail sur la vie de son amant. Ni le policier qui tente de cacher son dégoût absolu derrière des observations anodines. Grâce à la subtilité du propos et à l'intensité des interprétations, notre propre réaction émotionnelle est troublante, un mélange curieux entre l'écoeurement et l'attachement à ce personnage tragique qui livre un combat désespéré contre ses démons surhumains. Nicole Kassell ne laisse à aucun moment entrevoir la victoire, mais elle fait preuve d'un optimisme infiniment plus intelligent qui accepte l'immense difficulté pour Walter de revenir, ou plutôt d'accéder pour la première fois à une vie normale.
L'ensemble d'acteurs et d'actrices de premier choix (notamment Kevin Bacon, Kyra Sedgwick, Mos Def et Benjamin Bratt) compense en quelque sorte pour une mise en scène au vocabulaire filmique parfois un peu lourd. Nul doute que la réalisatrice a pris la mesure du sérieux de son sujet, mais ses moyens de transposition filmique du scénario d'origine théâtrale insistent parfois un peu trop. Alors que nous apprécions la justesse tortueuse des interprétations et le caractère presqu'insoutenable de certaines séquences (celle dans le parc qui est probablement la plus éprouvante dans le traitement de la pédophilie depuis Happiness et les aveux du personnage de Dylan Baker à son fils), l'emploi de quelques effets de style peu fins (l'épuration de la bande son, par exemple) nous laisse déjà plus dubitatifs.
Néanmoins, un film essentiel sur un sujet qui devrait être brûlant, mais qui est malheureusement trop souvent tu pour des raisons aussi peu avouables que le crime en lui-même.

Vu le 13 février 2006, au Planet Hollywood Champs-Elysées, en VO

Note de Tootpadu: