Syriana

Syriana
Titre original:Syriana
Réalisateur:Stephen Gaghan
Sortie:Cinéma
Durée:128 minutes
Date:22 février 2006
Note:
Deux grandes groupes pétrolières américaines sont sur le point de fusionner. Il en va de la survie pour la plus grande des deux, qui a été exclu d'un émirat plus sensible aux propositions chinoises. L'avocat Bennett Holiday est chargé de surveiller cette transaction lucrative et de tenir à l'écart les instances fédérales qui pourraient la mettre en danger. Simultanément, Bryan Woodman, un jeune courtier ambitieux, s'associe au prince héritier de l'émirat qui souhaite investir dans une économie à long terme et instaurer progressivement des valeurs démocratiques dans son royaume. Et en même temps, l'ancien agent de la CIA, Bob Barnes, doit mener des action périlleuse au Moyen-Orient, des missions qui le font de plus en plus douter de la légitimité de son travail.

Critique de Tootpadu

La crise pétrolière, qui se profile avec une insistance grandissante d'ici quelques décennies au plus tard, a des raisons et des répercussions multiples. La gestion de notre situation énergétique est tellement complexe et chargée d'un nombre incalculable d'intérêts divergeants qu'il est tout bonnement impossible d'en aborder toutes les facettes dans un film de deux heures, qu'il soit du genre fictif ou documentaire. Pourtant, c'est ce qu'essaie le scénariste Stephen Gaghan dans son deuxième film en tant que réalisateur, après Abandon, inédit en France. Et il y échoue, avec les honneurs.
A force de vouloir aborder chaque point de vue d'une problématique opaque, de celui des grands groupes industriels, en passant par ceux des services secrets et des terroristes kamikaze endoctrinés, avec les exécutants d'une certaine conception de la justice et de l'économie en plein milieu, son film devient un fourre-tout insatisfaisant, dénué d'une perspective claire. Par sa structure morcelé, qui se manifeste notamment à travers un montage frustrant, tellement il passe d'un décor à l'autre sans continuité narrative, on pourrait comparer le film à une mosaïque, faite de petites pierres qui sont censé déboucher sur une image plus grande. Mais l'aperçu que l'on pourrait obtenir, avec du recul, de cette saga pétrolière engagée sur trop de fronts reste très désagréablement flou. Le discours est certes plus mesuré et équilibré ici que dans le film qui a lancé Stephen Gaghan sur la scène hollywoodienne (Trafic de Steven Soderbergh), mais le style narratif reste pratiquement inchangé avec son mélange forcé d'éléments de la vie privée (le père alcoolique, le drame personnel) et de sujets d'une portée plus globale.
En dépit de son caractère d'une complexité abusive et pas du tout stimulante (à l'encontre de celle d'un L.A. Confidential ou d'un Révélations, par exemple), Syriana dispose de quelques qualités qui rendent sa vision pour le moins intéressante. Quelques remarques cinglantes sur les stratagèmes énergétiques auraient ainsi mérité d'être approfondies et le pessimisme qui sous-tend tout le récit est assez loin de l'optimisme artificiel dans lequel se complaisent la plupart des productions hollywoodiennes. Enfin, l'apparition insistante de l'eau désigne le combat qui risque d'avoir lieu après celui pour le pétrole.
On ne peut considérer que comme une drôle de coïncidence le fait que la projection d'un film sur le manque d'énergie dans les locaux somptueux d'une multi-nationale a été interrompue pendant une vingtaine de minutes par une coupure de courant. Et si la pénurie était plus proche de nous que nous le pensions ...

Vu le 7 février 2006, à la Salle Warner, en VO

Note de Tootpadu:

Critique de Mulder

Hollywood s'en va en guerre!

Ce film est intelligemment construit et se situe en plein dans l'actualité économique américaine (faire soi-même le rapprochement avec les magouilles de la famille Bush au Moyen Orient).

Il y a ainsi 4 histoires qui se suivent, qui s'entrechoquent. La narration est classique car ce procédé n'est pas rare dans le cinéma américain d'aujourd'hui. Il y a surtout dans ce film des acteurs qui prouvent qu'ils savent faire autre chose que les blockbusters sans âme (Clooney qui a obtenu un Oscar amplement mérité, Matt Damon); les acteurs qui font toujours d'excellents choix (Amanda Plummer, Jeffrey Wright) et surtout 2 révélations qui sont Alexander Sidding et Mazhar Munir. Chacun peut se retrouver et apprécier plus ou moins chaque personnage et c'est une des forces du film. Le réalisateur évite de tomber dans le manichéisme.

Syriana peut être vu comme étant une copie conforme de Traffic de Steven Soderbergh, lui-même producteur. Ce film est ainsi une bonne grande claque aussi bien cinématographique que civique avec la mise en lumière dans la pratique économique de pétroliers cupides, véreux et d'autres adjectifs tout aussi flatteurs à leur image.

Ce film s’oriente fièrement post 11 septembre et ose montrer dans un film américain les kamikazes comme des êtres humains qui se font manipuler par désespoir (chômage, rejet de la société…)! Finalement, ce film nous pose une question importante : comment le cinéma américain peut-il produire de tels films sous l'ère G. Bush alors que nos réalisateurs et auteurs français sont incapables de critiquer notre système politique de façon directe (cf L’Ivresse du pouvoir notamment)?

Film compliqué certes, mais à voir au cinema car après Lord of War, on a de nouveau un film intelligent et vivant qui impose le respect.

Vu le 27/02/06 à 19h30 salle 09 au Gaumont du Disney Village

Note de Mulder: