Bal des chattes sauvages (Le)

Bal des chattes sauvages (Le)
Titre original:Bal des chattes sauvages (Le)
Réalisateur:Veronika Minder
Sortie:Cinéma
Durée:90 minutes
Date:11 janvier 2006
Note:
Cinq femmes qui ont vécu différemment leur sexualité lesbienne. Cinq générations qui devaient chacune affronter des préjugés nouveaux dans le regard de la société suisse sur la minorité homosexuelle.

Critique de Tootpadu

Etre pédé ou lesbienne de nos jours n'est toujours pas la chose la plus évidente au monde, même si la société occidentale a fait des progrès d'acceptation fulgurantes au cours des trois dernières décennies. (Il suffit cependant d'aller dans des pays extrêmement rétrogrades pour voir encore de nos jours de jeunes homosexuels condamnés à mort et exécutés sur la place publique.) En effet, la visibilité de la communauté gaie s'est accrue au point de pouvoir craindre une saturation due à la surexposition. Jadis une tare honteuse et dégoûtante, le fait d'aimer une personne de son propre sexe est presque à la mode aujourd'hui et, à condition d'être gentiment présenté, le sommet d'une attitude branchée.
Que la tolérance de la majorité hétérosexuelle n'a pas toujours été au même beau fixe n'est qu'un des rappels très utiles et pertinents de ce documentaire remarquable. Au fil des entretiens avec cinq femmes, de 93 à 25 ans, la réalisatrice couvre en effet des champs très divers de la thématique lesbienne, avec une aisance qui laisse pantois. Le cas de l'homosexualité féminine, victime d'une discrimination encore plus blessante que celle des hommes puisqu'elle n'a pas été prise au sérieux ou ignorée, aurait ainsi pu être traité sur un ton dramatique. Pour chacune de ces femmes qui ont fini par vivre et par s'épanouir dans leur sexualité, combien y en avait-il qui ont dû cacher leur vraie nature ou qui se sont écroulées sous le joug terrible des préjugés ? Veronika Minder ne laisse certainement pas de côté l'aspect pénible de cette contestation sociale permanente que représente l'existence homosexuelle ouverte, mais elle se sert magnifiquement des leçons qu'ont dû apprendre ses cinq héroïnes de la vie réelle pour les mettre en perspective dans un canevas foisonnant sur l'évolution de la perception de leur style de vie. L'absence d'une langue de bois, des témoignages très touchants et l'inclusion sans discours didactique pesant du matériel d'archives, rendent son documentaire agréablement accessible et ludique. Il nous donne même l'espoir qu'il sera enrichissant pour les deux faces de la médaille, pour la communauté gaie et lesbienne qui y trouvera une documentation adroite sur son histoire, et pour les nombreux hétérosexuels tolérants qui découvriront peut-être qu'une lesbienne ou un gay ne se laisse pas réduire à des combats emblématiques comme le mariage gaie ou l'homoparentalité.
Car les portraits que la réalisatrice dresse de Johanna, Liva, Ursula, Heidi et Samira séduisent avant tout par leur sensibilité et leur capacité à cerner la personnalité pas conforme de ces femmes fortes. De ce travail d'écoute qui suppose une confiance totale est né un des documentaires les plus euphorisants de cette année pourtant très riche en oeuvres marquantes.

Vu le 5 janvier 2006, au Club Marbeuf, en VO

Note de Tootpadu: