Petite Jérusalem (La)

Petite Jérusalem (La)
Titre original:Petite Jérusalem (La)
Réalisateur:Karin Albou
Sortie:Cinéma
Durée:94 minutes
Date:14 décembre 2005
Note:
La jeune Laura, d'origine juive-tunisienne, habite avec sa famille dans la banlieue parisienne. Elle rejette les pratiques religieuses de sa soeur et de son beau-frère tout autant que les superstitions de sa mère. Pour elle, seule la philosophie compte et Laura tente d'imiter son idole dans l'application de la raison, Kant. Jusqu'au jour où elle s'éprend de Djamel, un réfugié politique algérien. Le choc des sentiments et des cultures ne laissera pas la jeune femme indemne.

Critique de Tootpadu

Une des décisions les plus difficiles et douloureuses de l'adolescence est de rejeter ses origines afin de trouver un style de vie plus personnel, ou bien de les embrasser et de perpétuer ainsi les traditions des ancêtres, peu importe l'environnement social et culturel dans lequel on vit. Simultanément, cette décision ne peut pas être prise en toute indépendance, puisqu'à cet âge délicat, le pouvoir des parents et de l'entourage pèse au moins aussi lourd que l'imprévisibilité des sentiments. Dans son premier film, présenté cette année à Cannes, Karin Albou observe avec une très grande pudeur ce combat interne d'une jeune femme à la recherche de repères. Elle y réussit grâce à une démarche aussi simple qu'irréprochable.
En effet, les grands mouvements de l'intrigue respectent fidèlement la tradition dramatique, à travers une exposition marquée par l'opposition entre les différents styles de vie et la fermeté avec laquelle les personnages campent dessus, suivie par le temps du doute au cours duquel les certitudes se brisent et pendant lequel la vie avec ses imprévus et ses imperfections fait son entrée, et enfin de petites tragédies qui démontrent de façon concluante que personne n'est le maître de son destin. Vous voyez, les éléments de base de cette histoire ne se démarquent pas forcément du drame identitaire courant. Et pourtant, Karin Albou trouve les images, le rythme et le ton justes pour nous le conter une fois de plus.
A notre avis, elle y arrive surtout grâce à un refus des grands moyens et à un attachement salutaire aux sens les plus vitaux. Souvent très près des personnages, mais aussi de quelques motifs révélateurs au sein du décor urbain (la lumière qui passe sous la porte de la chambre de Laura, le vestiaire des employés à l'école), sa caméra cerne admirablement l'espace vital de la protagoniste, tout en lui laissant la place de respirer et de ressentir ce qui ne peut être directement montré. Car là où cette Petite Jérusalem se distingue encore plus, c'est dans la délicatesse de son rapport aux sens, qu'ils soient élevés (la religion, la philosophie, l'amour romantique) ou considérés comme inférieurs (le plaisir charnel). La finesse de l'approche de la réalisatrice va même jusqu'à la négligence des enjeux dramatiques du récit. Ainsi, l'impact émotionnel de la rupture du carcan idéaliste de Laura et le malaise dans le couple de sa soeur est bien plus intense que, par exemple, les actes désespérés qui rythment la fin.

Vu le 29 décembre 2005, au Balzac, Salle 1

Note de Tootpadu: