Madame Henderson présente

Madame Henderson présente
Titre original:Madame Henderson présente
Réalisateur:Stephen Frears
Sortie:Cinéma
Durée:103 minutes
Date:11 janvier 2006
Note:
Etre veuve n'est pas du tout au goût de Laura Henderson. Après la mort de son mari en 1937, cette septuagénaire excentrique s'ennuie en effet profondément à faire tout ce que les femmes fortunées en sa situation sont censées faire : de la broderie, des achats sans compter et du travail charitable. Par hasard, elle trouve alors un théâtre abandonné et elle rêve de le rouvrir avec un spectacle de music-hall. Assistée par le directeur artistique Vivian Van Damm, elle tente d'apporter un peu de frivolité en ces temps durs, à l'aube de la guerre, en montrant de jeunes femmes nues.

Critique de Tootpadu

Le théâtre : un monde fait de rêves et d'espoir sur scène, de solidarité et d'une concurrence impitoyable dans les coulisses. A l'opposé de l'univers du cinéma, les planches qui signifient tout pour ceux qui ont le privilège de marcher sur elles, respirent le travail acharné des répétitions, cette odeur si particulière de sueur, de maquillage et de vieux costumes que l'on trouve encore dans les temples de l'art dramatique les plus anciens. Ce côté direct et immédiatement palpable de la scène, le cinéma a tenté de se l'approprier depuis longtemps. Même sans tous les films qui s'émerveillent devant l'entrain des comédies musicales, il reste un corpus d'oeuvres conséquent dont quelques points marquants sont Eve de Joseph L. Mankiewicz, L'Habilleur de Peter Yates ou bien Coups de feu sur Broadway de Woody Allen. Le dernier film de Stephen Frears ne fera malheureusement pas date dans ce sous-genre à la fois complice et moqueur.
En effet, cette histoire d'une vieille dame anglaise qui s'improvise en directrice de théâtre est d'une banalité anecdotique. Par le choix de ses thèmes (la guerre, la censure) et des personnages qui répondent plus à un cahier de charges rempli de clichés qu'à l'urgence dramatique la plus élémentaire, il n'apporte strictement rien à l'aperçu de la scène à travers un objectif de caméra. Chaque étape du parcours de la mécène semble ainsi forcée et manipulatrice dans sa manière d'arriver à un résultat émotionnel immédiat, mais artificiel. Le scénario suit effectivement un rythme pas du tout organique, qui avance invariablement vers un point d'orgue poussif pour ensuite recommencer sur une partie différente de l'intrigue. Au sein d'une narration aussi arbitraire, les personnages restent très distants et enfermés dans des conventions éculées. L'aspect vieillot est d'ailleurs renforcé par cette lutte pour la nudité sur scène, une croisade qui manque cruellement de frivolité et d'esprit ici.
Les points positifs se font plutôt rare dans ce divertissement superficiel, mais il en existe néanmoins quelques uns. Ainsi, la tentative de corruption des autorités grâce à un festin gourmand nous a évidemment tout de suite fait penser aux efforts que les producteurs du film ont dû accomplir afin d'assurer à ce dernier trois nominations aux Golden Globes auprès de l'association de la presse étrangère facile à convaincre par de telles manoeuvres. Et certaines remarques de Mme Henderson ne manquent pas de bon sens, comme cette réplique amusante sur les Américains. Mais dans l'ensemble, il s'agit de peu de qualités rédemptrices pour cette oeuvre à mettre plutôt du côté des déceptions dans la filmographie inégale de Stephen Frears.
Enfin, nous nous moquions encore des couchers de soleil artificiels, tout droit sortis de l'esthétique numérique la plus kitsch, dans notre critique de King Kong. En vue de ce nouvel emploi abondant dans un film qui ne s'y prête pas forcément, nous sommes bien obligés d'admettre, voire de craindre, que cette pratique laide est en train de devenir monnaie courante.

Vu le 15 décembre 2005, à la Salle Pathé François 1er, en VO

Note de Tootpadu: