Une vie inachevée

Une vie inachevée
Titre original:Une vie inachevée
Réalisateur:Lasse Hallström
Sortie:Cinéma
Durée:107 minutes
Date:04 janvier 2006
Note:
Le seul endroit où Jean peut s'enfuir avec sa fille Griff des abus violents de son copain Gary, c'est l'endroit qu'elle préférerait oublier. Chez son beau-père Einar, qui possède une petite ferme dans le Wyoming, elle sait ce qui va l'attendre : des reproches sans fin sur la mort de Griffin, fils et mari, lors d'un accident de voiture dix ans plus tôt. Faute d'alternatives, elle tente quand même de recommencer sa vie auprès du vieillard rancunier.

Critique de Tootpadu

Le monde tel qu'il est décrit dans les films du réalisateur suédois Lasse Hallström est un endroit rempli de bons sentiments, un univers douillet et pittoresque, entièrement coupé de la réalité, où seule la bonté existe. Que ce soit dans Le Chocolat ou L'Oeuvre de Dieu, la part du Diable, même les faits de société les plus controversés, comme l'exclusion ou l'avortement, s'intègrent docilement dans cette vision rose bonbon de l'existence. Si le réalisateur disposait d'un regard plus aigu et s'il savait faire vivre tout un ensemble de personnages en tant que communauté homogène, il pourrait être considéré comme le Frank Capra des temps modernes. Jusqu'à présent, il se contente d'être le chef de file d'un cinéma profondément consensuel et réconfortant d'une manière fort poussive.
Toutefois, son style académique et sa volonté d'englober toute l'humanité du monde fictif dans une ode célébrant la suprématie inévitable de la bonté peuvent, sous certaines conditions, agir comme du baume au coeur. Certes, la préscription a omis de mentionner une quelconque modération et le sérum nous est administré sans avoir été dilué. Mais dans le cadre restreint de ses limitations flagrantes, cet édifice construit de valeurs traditionnelles et d'un optimisme à toute épreuve présente une occasion d'évasion à laquelle il est difficile de résister. Ainsi, cette histoire touchante, mais guère originale, d'un rapprochement familial en dépit des rancunes du passé avance comme sur des rails, tant que son équilibre gentillet n'est pas perturbé. En effet, dès que le rêve risque de se briser, les ficelles qui l'animent deviennent visibles d'une façon assez laide. A quoi bon se réveiller d'un conte qui est tellement sucré qu'il tient debout tout seul ? Et c'est à ces deux ou trois moments que les lacunes dramatiques de la réalisation s'affichent le plus clairement. Tant qu'il tourne en rond dans la sécurité préservée de son monde utopiste, le récit nous présente un mensonge délicieux, le genre d'histoire qui convainc sans difficulté les spectateurs les plus naïfs. Mais dès qu'il ressent l'urgence des impératifs dramatiques (toute la partie autour de l'ancien copain violent), il se retrouve désemparé et déboussolé.
Dans le registre des bons sentiments, Morgan Freeman est à l'aise depuis très longtemps, tant il s'est approprié l'image de l'homme juste, sage et modéré. Et Jennifer Lopez ne fait essentiellement que des films qui perpétuent des idées romantiques éculées. Par contre, la présence de Robert Redford nous surprend davantage dans ce film qui est resté pendant presque un an sur les étagères de la Miramax, et qui ne doit sa sortie qu'au départ des frères Weinstein. Probablement, ce rôle du vieux montagnard meurtri l'interpellait comme un prolongement de maintes rôles qu'il a interpretés auparavant. En tout cas, il s'intègre très bien dans une distribution dont la conviction fait vivre une histoire autrement trop larmoyante.
Parfois, les sucreries au cinéma nous font le plus grand bien et, au risque de nous répéter, nous mettent du baume au coeur. C'est exactement le cas avec ce film attachant à travers sa conception vieillotte de la vie.

Vu le 9 décembre 2005, au Planet Hollywood Champs-Elysées, en VO

Note de Tootpadu: