Ruée vers l'ouest (La)

Ruée vers l'ouest (La)
Titre original:Ruée vers l'ouest (La)
Réalisateur:Anthony Mann
Sortie:Cinéma
Durée:148 minutes
Date:15 mars 1961
Note:
En avril 1889, tout le territoire d'Oklahoma est ouvert aux fermiers et autres pionniers qui peuvent réclamer leur parcelle de terre à l'issue d'une course effrénée. L'avocat Yancey Cravat, originaire de la région, et sa jeune épouse Sabra participent à cette compétition d'envergure nationale. Mais lorsque Yancey revient bredouille, il décide de reprendre le journal "Wigwam" de son ami ancien Sam Pegler. Il y voit l'occasion de se battre pour ses principes et pour son rêve d'un pays civilisé. Sabra n'est guère convaincue par ce choix qui l'empêchera de s'intégrer dans la haute société de la ville émergeante.

Critique de Tootpadu

Après des débuts dans des petits films noirs sombres et réalistes, le réalisateur Anthony Mann s'était fait un nom au cours des années 1950 pour ses westerns tout aussi intransigeants. Nous lui devons ainsi quelques une des meilleures participations au genre de la part de James Stewart (comme L'Appât et L'Homme de la plaine) ou encore le remarquable Tin Star. Cependant, vers la fin de sa carrière, ses plus grandes réussites se trouvent du côté du péplum (El Cid et La Chute de l'empire romain), bien loin des préoccupations de son dernier western qui ressemble davantage à une peau de chagrin qu'à un départ honorable.
La dimension épique du film apparaît néanmoins déjà assez tôt dans sa durée impressionnante. La grande chevauchée pour réclamer son lambeau de terre dispose ainsi d'une allure spectaculaire qui laisse augurer de bonnes choses pour la suite. Seulement, le scénario un peu trop bavard préfère sonder la conscience torturée du personnage principal plutôt que de s'emballer dans l'état d'esprit entreprenant des pionniers de l'ouest. Et encore, Yancey Cravat, joué par un Glenn Ford peu à l'aise, s'éclipse progressivement pour laisser le champ libre à son épouse. D'ailleurs, ce virage scénaristique se laisse présager dès l'introduction du couple mal assorti. Alors que Maria Schell apparaît dans son premier plan tout au début d'une façon avantageuse, ou au moins en parfait accord avec l'image de la fille proprette et niaise qui l'a rendue célèbre, nous ne découvrons Glenn Ford que quelques instants plus tard et, détail important, filmé de dos pendant qu'il raconte la ruée vers l'ouest aux domestiques de ses beaux-parents. Cette pose fuyante et insondable, le personnage ne s'en libérera guère pendant le film, jusqu'à carrément s'abstenir pendant la majorité de la seconde partie.
Comme pour mieux contrebalancer ce héros réticent, attachant dans son honnêteté et exaspérant dans sa maladresse, le scénario se rabat très rapidement sur Sabra, un exemple infiniment plus convenu de l'ambition consensuelle. Une de ses répliques la définit en fait très bien, puisqu'elle affirme qu'elle n'aspire qu'à être normale et à correspondre à l'image que les autres se font d'elle. Cette course à la conformité, elle ne s'en défait que très rarement (par exemple, lors de son affrontement avec sa rivale, une Anne Baxter qui ne fait guère plus qu'une apparition éclair), et elle emporte même tout le film avec sa verve mi-hystérique, mi-maternelle.
La mise en scène d'Anthony Mann ne s'accommode que passablement avec un scénario trop ample et pas assez focalisé. Entre les emprunts paresseux à Géant et le recours systématique au thème du racisme dès que le récit s'essouffle, le vieux routier est assez limité dans ses possibilités stylistiques. Surtout la deuxième moitié du film en souffre considérablement, tellement elle tente sans succès de reconvertir le côté western en une saga superficielle de l'essor économique de l'ouest.
En dépit d'une photo somptueuse de Robert Surtees, encore magnifiée par l'état irréprochable de la copie, et une musique mélodramatique du meilleur effet de Franz Waxman, ce remake du quatrième film récompensé par l'Oscar du Meilleur Film n'arrive point à cacher ses lacunes, surtout d'ordre scénaristiques, ni à nous faire apprécier un peu plus Maria Schell, toujours aussi agaçante.

Vu le 3 mars 2006, à la Cinémathèque Française, Salle Georges Franju, en VO

Note de Tootpadu: