Viva Zapatero !

Viva Zapatero !
Titre original:Viva Zapatero !
Réalisateur:Sabina Guzzanti
Sortie:Cinéma
Durée:79 minutes
Date:21 décembre 2005
Note:
Silvio Berlusconi, le premier ministre italien en 1994 et depuis 2001, est à la tête d'un vaste conglomérat de médias. A travers ses fonctions officielles, il a su également mettre l'ensemble des télévisions publiques au pas pour, entre autre, discréditer des journalistes critiques de son gouvernement qui ont depuis été licenciés. Parmi les victimes de ce musellement de la libre expression se trouve la célèbre humoriste Sabina Guzzanti, dont l'émission satirique "RaiOt" a été supprimée par la chaîne publique Rai 3 avant même la première diffusion, par crainte de représailles du camp Berlusconi. La comédienne s'est interrogée alors sur la valeur de la satire dans un système à fort caractère fasciste, et elle a interpelé les responsables du sabotage de son émission.

Critique de Tootpadu

Une presse juste et équitable ainsi qu'une offre audiovisuelle aux opinions diverses, cela paraît comme une évidence en France comme dans la plupart des pays européens. A la limite, les croisades réactionnaires d'un Rupert Murdoch en Amérique nous font sourire avec un grain d'amertume et le retour sur les ravages de la chasse aux communistes dans les années 1950 qu'opérera George Clooney très bientôt dans son Good Night and Good Luck nous fera apprécier, peut-être un peu naïvement, la plus grande liberté acquise depuis. Cette attitude optimiste nous fait ignorer cependant une situation inquiétante chez nos voisins transalpins : la main forte du pouvoir, personnifié par Silvio Berlusconi et ses sbires, sur la majeure partie des chaînes de télévision et la presse. Il serait probablement prématuré de parler d'un état fasciste en vue de l'Italie actuelle, mais il est grand temps de sonner l'alarme afin de dompter un abus de position dominante et de conflit d'intérêt galopant !
C'est précisément la tâche à laquelle s'est attelé l'humoriste italienne Sabina Guzzanti qui figure en première ligne des victimes du limogeage opéré par Silvio Berlusconi à travers ses hommes de main placés aux postes importants et ses multinationales qui pratiquent l'intimidation par des procès de diffamation. Seulement, pour contrer la propagande il est primordial d'emprunter les outils rhétoriques adéquats, de ne pas contrer un excès dans un sens par une exagération dans un autre. La référence en la matière est actuellement le cinéaste américain Michael Moore qui a agité beaucoup de vent, notamment dans Fahrenheit 9/11, sans pour autant arriver à un résultat concluant, sa promotion personnelle mise à part. La démarche de l'humoriste italienne est heureusement tout autre et nous emmène, par moments, aux sommets de l'art du documentaire. La première arme de Sabina Guzzanti est en effet l'humour, son fond de commerce qui la faisait vivre auparavant et dont elle est privée depuis les machinations de l'entourage de Berlusconi. En faisant un tour d'horizon des différentes formes de satire en Europe, la cinéaste nous prouve à quel point cette critique ironique peut être hilarante et pertinente en même temps. Et elle démontre avec une intelligence qui a l'air très légère, mais qui sait aller au contraire jusqu'au fond du problème, que la suppression de cette forme d'expression est une atteinte grave au bon fonctionnement d'une démocratie.
Pendant un certain temps, le documentaire cherche à établir également la définition de la satire, afin de connaître son but et ses limites. L'interrogation enjouée autour d'un sujet qui ne devrait plus avoir de secrets pour Sabina Guzzanti apporte une touche supplémentaire au côté ludique de son documentaire. A l'opposé du style un peu fanfaron de Michael Moore, la réalisatrice reste admirablement en retrait pour mieux appuyer son propos. Soites, sa carrière a été endommagé par la suppression de son émission, mais cet échec ne lui sert point de prétexte pour poser en victime aigrie. Au contraire, cette petite tragédie personnelle, qui cache celle bien plus préoccupante d'une nation en péril, a été le point de départ d'une croisade piquante et enthousiasmante. Il devient évident à la vision de ce documentaire excellent et par sa forme et par son contenu, que Sabina Guzzanti ne se fait guère d'illusion sur le fonctionnement du pouvoir en Italie. Mais cet état de fait ne l'empêche guère de sortir ses griffes et de donner des coups cinglants là où ça fait mal. Elle sait aussi que la complexité du problème ne peut pas être épuisé au cours d'une bonne heure de film, mais la quantité et la richesse des pistes qu'elle propose, associées au soulèvement populaire célébré à la fin, sont autant d'incitations à chercher pour et par nous-mêmes pour éviter de nous laisser berner par des médias à l'agenda intéressé. Ce qui est à peu près le credo du documentaire parfait ... !

Vu le 29 novembre 2005, au Planet Hollywood Champs-Elysées, en VO

Note de Tootpadu: