Presque frères

Presque frères
Titre original:Presque frères
Réalisateur:Lucia Murat
Sortie:Cinéma
Durée:102 minutes
Date:07 décembre 2005
Note:
Enfants, Miguel et Jorghino écoutaient ensemble leurs pères jouer la samba. Pendant la dictature militaire des années 1970, ils vont se retrouver dans la prison notoire d'Ilha Grande, l'un comme prisonnier politique et subversif, l'autre en tant que détenu de droit commun. Leur amitié renaissante va cependant buter sur l'arrivée de Pingão, un assassin qui sabote les règles carcérales établies par le collectif des prisonniers politiques. Trente ans plus tard, leurs différences ne se sont guère atténuées, puisque Miguel est devenu député et Jorghino le chef d'un important gang de dealers dans les favelas.

Critique de Tootpadu

La violence engendre la violence et ce ne sont pas les idées utopiques de la gauche qui vont y changer quelque chose. Au contraire, de nos jours le monde des malfrats a plus d'attrait pour les jeunes que les idéaux des '68ards embourgeoisés. Pour arriver à ce constat pas tellement original, ce film brésilien se donne beaucoup de peine, principalement d'un point de vue formel. Il s'attaque en effet avec une certaine audace à la figure du kaléidoscope, à travers des renvois multiples à l'intérieur de trois temps de narration (le passé lointain, le passé, le présent), qui sont eux-mêmes encore morcelés. La réalisatrice impose d'emblée cette forme complexe, avant que le spectateur n'ait le temps de se retrouver dans un univers peu familier (le Brésil des années 1970). Et même si elle maîtrise davantage son dispositif par la suite, il reste jusqu'à la fin un arrière-goût de prétexte formel poussif.
En nous révélant dès le début les trois fils principaux de l'histoire, dont l'issue ne laisse guère de doute, le film entre dans l'arène des grandes tragédies sociales. Mais il lui manque le souffle épique pour soutenir cet arc narratif qui souhaite relier les différentes étapes de la vie de deux hommes séparés par des contraintes sociales. Ainsi, seule la période en prison dispose d'une authenticité relative, apte à conférer plus que l'aura d'une saga familiale conventionnelle. Car, et les quelques plans de l'enfance, à l'aspect rétro exacerbé, et les deux actions au présent (l'entretien un peu superflu entre les deux protagonistes, l'égarement de la fille de Miguel qui s'est entichée d'un caïd) ne font que colporter des idées reçues. Le seul conflit intéressant éclate lorsque la paix utopique en prison est confrontée à la dure réalité de la rue et des défavorisés par naissance et non pas par choix. Malheureusement, les incessants allers et retours y rendent une montée de tension impossible.
A mi-chemin entre Carandiru et La Cité de Dieu, ce film s'empêche lui-même de faire une synthèse pertinente entre les atrocités de la prison et la violence des favelas à cause d'une structure mal assumée.

Vu le 21 novembre 2005, au Club Marbeuf, en VO

Note de Tootpadu: