Belzec

Belzec
Titre original:Belzec
Réalisateur:Guillaume Moscovitz
Sortie:Cinéma
Durée:109 minutes
Date:23 novembre 2005
Note:
Le camp de concentration de Belzec, en Pologne, a été construit en 1941 et a fonctionné pendant neuf mois en 1942. Il est estimé qu'au moins 600 000 Juifs y ont trouvé la mort, dans des chambres à gaz. En décembre 1942, le camp a été fermé et toute trace visible de son existence a été éradiquée pendant sept mois. Seules quatre personnes ont survécu à ce premier camp du programme d'extermination des nazis.
De nos jours, le terrain vague où se trouvait jadis le camp de la mort est enfin étudié pour y construire un mémorial d'un souvenir qui n'est plus vivant que dans la mémoire de quelques habitants vieillissants de Belzec et de la seule rescapée encore en vie.

Critique de Tootpadu

Alors que les noms de Sobibor et Treblinka comptent parmi les symboles de la Shoah les plus notoires, celui de Belzec est pratiquement inconnu. En vue de la discrétion avec laquelle ce dernier est nommé, on pourrait presque considérer que les Allemands nazis ont réussi leur tâche : faire disparaître non seulement un peuple tout entier, mais également la mémoire même de cette extermination. Car à l'encontre des deux lieux de mémoire précités, pratiquement aucune trace ne témoignait plus du premier camp de concentration de "l'Aktion Reinhard". Un oubli de l'histoire que cet excellent documentaire tente d'élucider, tout en faisant revivre les souvenirs atroces de cette heure noire de l'humanité.
Il agit en effet sur deux fronts différents, qui se regroupent dans un constat émouvant sur la cruauté et l'aspect implacable de la machine de mort nazie. D'un côté, il étudie avec une très grande subtilité les mécanismes de l'oubli, les tactiques de l'effacement qui ont contribué à l'obscurité inouïe du massacre de plus d'un demi million d'hommes, de femmes et d'enfants. Le réalisateur, dont c'est le premier long-métrage, élaboré pendant près de cinq ans, trouve des images d'une immense justesse pour montrer à quel point l'instinct de nettoyage est fort chez l'homme et, par conséquent, pourquoi la démarche des Allemands correspondait à leur stratégie d'annihiler les Juifs, jusqu'à l'annulation même de la mémoire de leur disparition. Le vieil homme qui efface son dessin des baraques dans le sable ou la femme qui brosse à coups de balai énergique sa pelouse, autant d'actions qui s'intègrent admirablement dans le discours du documentaire.
De l'autre côté, Guillaume Moscovitz et son interprète inlassable essaient de reconstituer le souvenir de cet endroit maléfique à travers des entretiens avec des témoins plus ou moins directs. Si la visite dans le salon de coiffure semble un peu déplacée, toutes les autres interventions apportent quelque chose d'essentiel au retour en l'an 1942. Curieusement, ce sont des souvenirs très basiques qui apparaissent dans la plupart des témoignages, liés à des sensations indélébiles comme la peur, l'odeur nauséabonde des cadavres brûlés ou les cris des condamnés à mort entassés dans les trains avant d'entrer dans le camp. Ces chocs des sens forment la base d'un souvenir qui s'effrite ou, pire encore, qui est négligé volontairement. Enfin, une des parties les plus éprouvantes, avec ces récits de prisonniers sur fond d'un cadre naturel paisible qui représente la couverture cruelle de l'effacement des traces, est le récit de la seule survivante juive encore en vie de nos jours. Devoir entendre à quelle point cette jeune fille, à l'époque, a dû souffrir pour rester cachée pendant plus d'un an, c'est là un aperçu formidablement accessible pour s'imaginer le sort encore plus insoutenable qu'elle aurait dû subir dans le camp de Belzec.

Vu le 10 novembre 2005, au Club de l'Etoile, en VO

Note de Tootpadu: