Crash

Crash
Titre original:Crash
Réalisateur:David Cronenberg
Sortie:Cinéma
Durée:100 minutes
Date:17 juillet 1996
Note:
James Ballard, un producteur de films, et sa femme Catherine cherchent de nouvelles expériences pour accroître leur jouissance. Un soir, Ballard cause un sérieux accident de voiture. Blessé, il fait la connaissance de la Dr. Remington à l'hôpital, qui était elle-même impliquée dans l'accident et dont le mari y est mort, éjecté de sa voiture. Elle emmène Ballard à la rencontre de Vaughan, un artiste et un fanatique des carcasses de voitures et des corps mutilés. Ce dernier va révéler une toute nouvelle conception de la sexualité aux Ballard.

Critique de Tootpadu

David Cronenberg a toujours été l'expert du film controversé, du pamphlet violent, au bord de l'écoeurement, qui exige une résistance solide de la part du spectateur moralement éprouvé de la façon la plus rude. Mais jamais auparavant il n'était allé aussi loin dans son exploration de pulsions humaines les plus tabous. Ce film, récompensé à l'époque à Cannes par le Grand Prix du Jury, s'attaque en effet à deux sujets phares des Etats-Unis, l'un brandi comme un des symboles les plus mythiques d'un pays immense (la voiture), l'autre la tare inavouable d'une société empêtrée dans des valeurs puritaines profondément réactionnaires (la sexualité). Seul dans Videodrome, avec son traitement particulier de la télévision, Cronenberg avait osé tenir un discours aussi corrosif pour décomposer les caractérstiques déterminants d'une culture.
Evidemment, le cinéaste ne démolit pas notre conception de la circulation des tôles et des fluides pour le simple plaisir de la destruction. Il se réapproprie ces sujets afin de les remodeler dans une construction aussi biscornue que les corps rassemblés des victimes d'accident. L'image clef de l'oeuvre de Cronenberg du corps hybride, en pleine transformation et en proie à la contamination s'y répète constamment. Le cas le plus extrême est sans doute la carcasse du personnage de Rosanna Arquette, tenu ensemble uniquement par une mécanique complexe de tiges de métal et d'articulations artificielles, avec en prime une cicatrice qui rappelle les mutilations fortement sexuées d'autres films du réalisateur. Mais la réinvention du rapport entre la voiture et le corps humain, entre le choc de l'accident et l'orgasme ne s'arrête pas là. Le récit est en effet maintenu dans un équilibre fascinant entre une possibilité infinie de perversions, d'ailleurs jamais réellement dénoncées comme des pathologies, faute d'une norme en guise de comparaison (même le vendeur de voitures coincé se prête au jeu), et un ton presque onirique qui opère comme un agent fictionnalisant très fort. Grâce à ses allures de trip décadent, le film permet de considérer des faits socialement estampillés négatifs comme des moyens d'accéder à la jouissance parfaite, ce qui constitue le seul but de la quête du couple de protagonistes.
L'audace thématique de ce film souvent perturbant et toujours fascinant ne se retrouve à notre grand regret pas du côté formel. D'une structure brute, sans un réel souffle narratif, il se contente trop souvent d'enchaîner les différents actes sexuels ou accidentels dans et avec des voitures. Les transitions peu élégantes existent alors peut-être pour nous rappeler qu'il s'agit d'une oeuvre qui fait appel aux sens les plus primaires et qu'il n'est pas question de faire joli dans cet univers morbide.

Vu le 9 novembre 2005, à la Cinémathèque Française, Salle Georges Franju, en VO, dans une copie à la bande son très désagréablement étouffée

Note de Tootpadu: