Delwende - Lève-toi et marche

Titre original: | Delwende - Lève-toi et marche |
Réalisateur: | S. Pierre Yaméogo |
Sortie: | Cinéma |
Durée: | 90 minutes |
Date: | 14 décembre 2005 |
Note: | |
Après une année sans pluie, une série de morts inexpliquées parmi les enfants survient dans un village du Burkina Faso. Les anciens ont recours aux traditions pour trouver l'origine de ce grand malheur. En même temps, Pougbila, une jeune fille en l'âge de se marier, est envoyée par son père dans le village voisin pour y retrouver son futur mari. Seule à la maison, Napoko, la mère de Pougbila, est dénoncée par un rite ancestral comme sorcière et chassée du village.
Critique de Tootpadu
Après Moolaadé, plus tôt cette année, le cinéma africain revient sur la difficile condition des femmes dans une société régie par des coutumes anciennes dans ce film fort intéressant sur la superstition. Le tort qui est fait aux femmes, qu'elles soient jeunes et violées ou vieilles et exclues comme sorcières, y est décrit avec une indignation justifiée. Conscientes de leur condition et tout juste prêtes à se révolter, les femmes africaines subissent de plein fouet les vestiges d'une tradition patriarcale, particulièrement résistants à la campagne. Toutefois, le piège d'être considérées comme un objet uniquement bon à accomplir les traditions et satisfaire les besoins charnels de l'homme les guette même dans la ville. Il est ainsi assez parlant que le seul appui sur lequel ces femmes exclues peuvent compter vient d'elles-mêmes, tandis que leurs rapports avec les hommes sont caractérisés par la méfiance (les avances refusées de Pougbila en ville) ou une obéissance aveugle aux traditions (la famille de Napoko qui la rejette également parce qu'elle se refuse à l'examen de la potion de vérité).
Ce cantonnement révoltant comme des êtres humains sans volonté propre est décliné en deux temps distincts, qui arrivent néanmoins à la même conclusion. La misère des femmes victimes de la superstition ou d'un abus sexuel n'est différente qu'en apparence selon l'endroit où elles se trouvent. Le poids de l'exclusion est certes vécu de façon différente à la campagne, avec ses errements et son refus même de se poser ou de prendre de l'eau, ou en ville, dans une maison d'accueil délabrée et surpeuplée qui est largement ignorée par une population urbaine tout autant accablée de préjugés que celle des villages. Mais le résultat reste inchangé : ces femmes sont marquées pour toujours par le fer rouge de l'ignorance et de la cruauté humaine.
Dans son premier film qui reçoit l'honneur d'une sortie nationale au cinéma en France, S. Pierre Yaméogo reste volontairement assez loin de la splendeur visuelle d'Ousmane Sembene dans son film précité. Il se préoccupe surtout de conter d'une façon sobre et appliquée une injustice sociale, qui ne pourra être abolie que lorsque les mentalités auront évoluées. La beauté et la détermination de ces femmes abusées deviennent alors prioritaires à l'aspect visuel du cadre.
Vu le 8 novembre 2005, au Club de l'Etoile, en VO
Note de Tootpadu: