Enfer (L')

Enfer (L')
Titre original:Enfer (L')
Réalisateur:Danis Tanovic
Sortie:Cinéma
Durée:102 minutes
Date:30 novembre 2005
Note:
Sophie n'en peut plus des affaires de son mari Pierre, un photographe qui rencontre les plus belles femmes à travers son travail. Elle tente de le récupérer en s'humiliant.
Céline est tellement angoissée qu'elle ne peut dormir que dans le train qui l'emmène chaque semaine pour rendre visite à sa mère, paralysée, muette et aigrie. Le jeune homme qui l'observe jour après jour du café en face de chez elle, serait-il le prince charmant dont elle rêve tellement ?
Anne aime passionnément son professeur, un homme âgé et marié. Elle ne peut s'imaginer sa vie sans lui, alors que lui, justement, il veut rompre cette affaire qu'il juge compromettante.
Ces trois femmes, elles ont une histoire commune dans le passé, le genre de secret familial qu'on préfère oublier sans jamais s'en souvenir.

Critique de Tootpadu

Bientôt dix ans après sa mort, l'oeuvre de Krzysztof Kieslowski garde un pouvoir de réverbération dans la production de cinéma actuelle. Sa trilogie sur le paradis, l'enfer et le purgatoire, dont la préparation avait été interrompue par le décès prématuré du cinéaste, devient ainsi réalité dans des films uniquement rassemblés par le ton profondément sérieux du réalisateur polonais. En effet, Heaven de Tom Tykwer et L'Enfer de Danis Tanovic sont des créations assez disparates, des déclinaisons personnelles d'un matériel de base semblable. Et si un goût pour le sens lourd de l'intrigue demeure dans les deux, rien que le style est assez différent pour les distinguer, au point de voir dans leur suite au mieux le début d'une trilogie arbitraire.
Le ton solennel de l'ensemble s'avère d'ailleurs un couteau à double tranchant ici. Il garde à la fois l'histoire sur une famille éclatée et psycholgiquement endommagée dans le domaine du passionnel abordable, loin des risques que certains clichés sentimentaux lui font courir, et il évite de justesse de l'écraser par son côté grave, à la limite du pompeux. Seulement aux commandes de son deuxième long-métrage, après l'excellent No Man's Land et sa contribution modeste au film à épisodes 11.09.01, Danis Tanovic ne se garde pas de renforcer encore cette emphase tragique, au contraire, il commet par moments l'erreur de l'exacerber. Ainsi, l'emploi d'une symbolique peu ambiguë (le générique autour du coucou) insiste sur des faits qui auraient pu avoir un impact plus profond s'ils avaient été évoqués avec un peu plus de subtilité. Néanmoins, cette application éclatante permet également de renouer avec force les trois fils de l'histoire, qui flottent avec un peu trop de désinvolture pendant la première heure. Sans être tout à fait à la hauteur de la complexité formelle et morale de l'esquisse de Kieslowski, Danis Tanovic réussit au moins un film grave et beau, le genre de divertissement de luxe qui invite à des réflexions abstraites et futiles.
Dans le casting de rêve, qui s'appuie peut-être trop sur des comédiens connus jusque dans les rôles les plus secondaires (Jean Rochefort ou Dominique Reymond qui apparaissent moins de cinq minutes), ce sont surtout Karin Viard et Guillaume Canet qui intriguent. Leur épisode traduit probablement le mieux le malaise sentimental et existentiel dans lequel baigne le film.

Vu le 8 novembre 2005, au Club de l'Etoile

Note de Tootpadu: