Trois enterrements

Trois enterrements
Titre original:Trois enterrements
Réalisateur:Tommy Lee Jones
Sortie:Cinéma
Durée:121 minutes
Date:23 novembre 2005
Note:
Melquiades Estrada est comme des centaines d'autres Mexicains au Texas : un clandestin qui a illégalement traversé la frontière pour trouver du travail de l'autre côté de cette séparation sociale et économique. Grâce à sa rencontre avec Pete Perkins, un contre-maître avec beaucoup de sympathie pour ces déracinés, il commence à gagner de l'argent comme cowboy et il exploite une petite ferme. Un jour, son corps est retrouvé, en pleine décomposition, amoché par les coyotes et mortellement blessé par une balle. La police locale ne s'intéresse guère à ce crime contre un immigré illégal de plus, au point de l'enterrer rapidement dans une tombe sommaire. Mais Pete Perkins veut absolument honorer sa promesse auprès de Melquiades, de ramener son corps chez lui, au Mexique. Puisque les forces de l'ordre ne font rien pour arrêter le coupable, un jeune agent de la patrouille des frontières, fraîchement arrivé dans ce coin paumé des Etats-Unis, Perkins prend la loi dans ses propres mains.

Critique de Tootpadu

La plupart des films commencent leur histoire au début pour se terminer avec la fin. Ensuite, il y a le cas assez répandu des scénarios qui partent dans un grand retour en arrière, tout à fait linéaire, à partir d'une séquence qui nous laisse déjà entr'apercevoir le dénouement. Et puis, une variante encore plus rare, il existe des films qui remontent carrément vers le début, une démarche si exceptionnelle qu'elle prend vite l'allure d'un gadget (cf. Irréversible). Le premier film en tant que réalisateur de Tommy Lee Jones ne privilégie aucune de ces possibilités, et c'est peut-être là son plus grand handicap formel. D'une structure très volatile au début, avec des sauts incessants entre le présent et le passé, le film est trop tributaire de son scénario morcelé pendant la première heure. Nous connaissions déjà l'affection du scénariste Guillermo Arriaga pour la narration discontinue, déployée avec brio dans Amours chiennes, par exemple. Mais ici, la mise en scène d'un débutant ne devient jamais réellement le maître de ce style complexe. En vue de la deuxième partie du film, d'une linéarité conventionnelle parfaitement convenable, la question de l'utilité de ce procédé narratif au début doit être posée.
Un peu perdu dans son va-et-vient maniéré des deux premiers enterrements, Jones réussit les moments les plus forts au cours du périple dans le sens inverse de l'exode économique. C'est à ce moment qu'il laisse le plus parler le paysage magnifique et les personnages agréablement ordinaires pour eux-mêmes, qu'il capte la tristesse de ce voyage élégiaque. Une fois débarrassé des tics du début, son style se déploie avec une simplicité irrésistible, avec une modestie qui correspond bien au personnage errant qu'interprète le réalisateur. Son jeu plein de retenu, mais néanmoins tranquillement intense, est d'ailleurs un point d'attache indispensable au désespoir, parfois un peu excessif, du personnage de Barry Pepper.
Il est impossible de juger d'une éventuelle future carrière de réalisateur pour Tommy Lee Jones à partir de ce film prometteur, mais pas entièrement satisfaisant. En tant que conteur d'histoires, Jones dispose déjà de l'essentiel : d'un amour et d'un respect très profonds pour ses personnages et d'une compréhension aiguë des réalités sociales. Là où il y aurait besoin d'une plus grande précision, c'est dans son style auquel il manque encore une patte personnelle.
Encore un film de la compétition de Cannes cette année, qui reste un peu en dessous de nos espérances. Une oeuvre engagée et forte qui n'arrive cependant pas à se démarquer suffisamment de la norme de son genre.

Vu le 7 novembre 2005, au Club de l'Etoile, en VO

Note de Tootpadu: