Domino

Domino
Titre original:Domino
Réalisateur:Tony Scott
Sortie:Cinéma
Durée:127 minutes
Date:23 novembre 2005
Note:
Interrogée par une psychologue du FBI, Domino Harvey, jeune, belle et célèbre revient sur sa vie de chasseur de prime. Son incapacité de s'intégrer dans le cadre dorloté de sa famille l'a conduite à chercher des sensations extrêmes dans un métier au bord de la légalité. Avec son mentor Ed Mosbey et le jeune ex-tolard Choco, l'ancien mannequin forme un trio de chasseurs redoutable, qui se fait cependant prendre dans un dangereux coup monté.

Critique de Tootpadu

Quand Tony Scott se rendra-t-il compte que le métier du réalisateur est fait pour s'adapter aux histoires qu'il raconte, afin de leur trouver le cadre le mieux adapté, et non pas pour plaquer un style en forme de rouleau compresseur sur n'importe quelle intrigue ? Devant cette attaque incessante aux sens et à l'intelligence du spectateur, nous ne pouvons que manifester notre agacement le plus total, notre désespoir de voir un réalisateur commercial jadis assez efficace s'enfoncer dans ses tics esthétiques d'une immense vanité. Le montage épileptique, les effets visuels qui décomposent constamment le cadre, les filtres qui dénaturent l'image afin de l'apparenter sans relâche à l'esthétique du clip, la structure morcelée et dépourvue d'un rythme narratif, les sous-titres agressifs et la bande son répétitive et bruyante, tout cela nous est malheureusement déjà familier de Man on fire, le dernier opus du frère Scott le plus maniéré. Le seul avantage par rapport à l'histoire de vengeance pénible avec Denzel Washington, c'est que l'épreuve dure cette fois-ci un peu moins longtemps. N'ayez cependant pas trop d'espoir de voir au moins un film regardable, puisque le cahier des charges a été enrichi de répétitions sonores abrutissantes et du mensonge filmique dans la plus pure tradition de Hitchcock, qui, lui, savait assouplir son style pour coller au plus près de l'histoire.
La détermination esthétique de Tony Scott a beau nous interpeller par son refus du moindre retour à la norme - car la débauche formelle ne s'arrête pas une seconde -, elle nous laisse tout à fait perplexe quant à sa validité dans le cadre d'un film d'action somme toute conventionnel. La démesure prétentieuse et tape-à-l'oeil du film pèse irrémédiablement sur une intrigue qui présente un lot modeste d'éléments intéressants. L'incursion d'une femme dans le milieu peu recommandable des chasseurs de prime, les difficultés de cette dernière de trouver sa place entre la célébrité et le besoin de se défouler, et même, pourquoi pas, des thèmes annexes comme la vie de taulard, les combines administratives ou l'oppression en Afghanistan : en effet, le scénario n'est pas trop dépourvu d'occasions d'approfondissement. Mais Tony Scott ne se soucie guère de la solidité relative de son matériel de départ, puisqu'il ne lui servira de toute façon que comme prétexte pour mieux déchaîner le souffle suffocant de son style alambiqué.
Inutile d'évoquer l'interprétation dans un tel désordre formel, vue la difficulté de créer un personnage à travers un rythme saccadé d'un plan (décomposé par toutes sortes d'effets visuels en plus) chaque seconde. Juste quand Michael Bay commençait à sortir la tête de l'eau de sa cuvette personnelle, faite d'une absence totale de sens visuel, grâce à The Island, Tony Scott sombre tragiquement dans un égarement stylistique insupportable.
Pour éviter la migraine assurée, il vaut mieux se replonger dans "L'Homme qui tombe à pic" pour voir une histoire de chasseur de prime digérable, plutôt que de subir cette ânerie consternante de tous points de vue.

Vu le 14 novembre 2005, au Club de l'Etoile, en VO

Note de Tootpadu: