Manderlay

Manderlay
Titre original:Manderlay
Réalisateur:Lars von Trier
Sortie:Cinéma
Durée:138 minutes
Date:09 novembre 2005
Note:
C'est l'étrange histoire de Manderlay, un domaine isolé dans le sud profond des États Unis. En 1933, Grace et son père avaient laissé derrière eux la petite communauté de Dogville et s'en éloignaient pour retourner chez eux. Malheureusement, dans le métier de gangster, l'absence est souvent une source de gros désagrément. Grace et son père ainsi que son armée de malfrats obligés de battre en retraite et chassés de leur ancien territoire vont passer, sans succès, tout leur hiver à chercher de nouveaux terrains de chasse. Et, dans ces premiers mois de printemps, ils font route vers le sud pour trouver une résidence où ils pourraient enfin s'établir... http://www.manderlay-lefilm.com/
(Source Allociné)

Critique de Tootpadu

Dogville était un film très dur et épuré, le genre de pamphlet social qui ne fonctionne qu'à condition d'accepter les choix extrêmes du réalisateur. A première vue, le deuxième volet de la trilogie sur l'Amérique, ou l'épineux parcours de Grace, la femme naïve par excellence, à travers les dysfonctionnements d'une société qui se croit supérieure, n'est qu'une répétition du procédé ingénieux du premier avec un problème différent en toile de fond. Cet avis prématuré, il perd toute sa validité une fois que le dernier mot est dit lors d'un dénouement encore plus radical et poignant que l'abandon du village abusif dans les montagnes.
Les premiers chapitres dans la structure toujours aussi aride du film ne rendent en effet pas l'assimilation du milieu et la compréhension des enjeux particulièrement faciles. Le souci apparent se trouve du côté de la forme hésitante qui ne s'avère être, en fin de compte, que la traduction cinématographique de l'insécurite de Grace. Une fois que cette dernière pense avoir pris la situation en main et que les choses vont dans la direction qu'elle leur a désignée, la caméra tremblotante se raffermit et le montage par moments déconcertant devient plus fluide. C'est que la préoccupation formelle se rétracte pour mieux préparer le coup violent de la fin, basée sur le réveil douloureux d'une harmonie que le style plus soigné promeut. Les aléas techniques présumés n'en sont donc guère et ils ne contribuent alors qu'à plus forte raison au démantèlement du rêve américain.
Le regard que Lars von Trier porte sur un pays qu'il n'a jamais visité, et surtout sur son modèle social capoté n'a rien perdu de son mordant et de son pessimise cinglant. La chanson de David Bowie sur la jeunesse américaine avec des images d'archives pendant le générique de fin, à la manière de Dogville, ne fait que résumer le constat sans complaisance dressé auparavant. Les fers de lance du réalisateur danois sont multiples ici, mais ils s'attaquent tous, sans exception, à la mentalité sacro-sainte des Etats-Unis d'Amérique et au désastre social qu'elle a engendré. Sa mise en question la plus virulente traite, à notre avis, des dégâts que causent les actions de bonne volonté, ces manifestations d'une arrogance incommensurable qui croient dur comme fer qu'il suffit de bonnes intentions pour imposer ses objectifs. La référence à la politique américaine actuelle est d'ailleurs si claire et sans équivoque qu'une grande impuissance face à tant de méchanceté et d'ignorance, de la part des politiciens bien sûr, en résulte.
Enfin, le changement involontaire de l'actrice principale s'affirme comme un grand bonheur. Nicole Kidman était certes parfaite dans son rôle de la femme abusée dans Dogville, mais sa maturité aurait empêché toute la partie naïve et idéaliste du personnage de Grace de s'épanouir ici. Bryce Dallas Howard nous fait alors découvrir une fragilité toute fraîche et une impuissance accablante face à des problèmes qui ne rentrent pas dans la conception volontariste du monde selon Grace.

Vu le 10 novembre 2005, à l'UGC Ciné Cité Bercy, Salle 10, en VO

Note de Tootpadu: