Rencontres à Elizabethtown

Rencontres à Elizabethtown
Titre original:Rencontres à Elizabethtown
Réalisateur:Cameron Crowe
Sortie:Cinéma
Durée:124 minutes
Date:02 novembre 2005
Note:
Chacun a droit à l'échec. Mais réussir un vrai fiasco, rater un projet de longue haleine auquel on croyait dur comme fer, ruiner d'un coup des centaines de vies, couler une boîte en 24 heures demande des dispositions particulières. C'est l'exploit que vient d'accomplir le designer Drew Baylor en créant la chaussure de sport Mercury, une aberration dont le lancement imminent pourrait bien être le bide du siècle, avec une perte sèche annoncée de 1 milliards de dollars. A trois jours de l'apocalypse, Drew reçoit un appel affolé de sa soeur. Leur père, Mitch, vient de mourir, et leur mère a sombré dans un tel état de confusion et d'agitation qu'elle est incapable de se rendre dans le Kentucky pour les funérailles. Il revient à Drew de régler les détails de la cérémonie avec la famille et les nombreux amis de la victime... http://www.uipfrance.com/sites/elizabethtown/
(Source Allociné)

Critique de Mulder

A mon grand-père

C’est bizarre comme certains films me renvoient à mes problèmes permanents. A 32 ans, j’ai l’impression par moments que ma vie est pratiquement finie, que j’ai inachevé mon oeuvre en quelque sorte aussi bien dans ma vie privée que dans mon travail. Comme le héros de ce film, viré pour avoir causé 1 milliard de pertes à une entreprise, j’ai négocié il y a bientôt 1 an mon départ d’une petite PME du domaine musical pour laquelle j’avais donné tout mon temps au détriment de ma vie privée. J’avais monté toute une cellule achat alors pratiquement inexistante et en 3 ans, je n’eus jamais aucun retour sur investissement. C’est cela qui expliqua un certain dégoût et la volonté de partir travailler ailleurs. J’ai eu ensuite la chance de bosser comme intérimaire dans une société américaine mondialement connue comme étant le leader dans les fournitures de bureau… Pendant cette mission, je suis tombé raide dingue d’une certaine Vanessa qui ne vit en moi rien qu’un simple collègue sans aucun intérêt….. Ce qui n’est qu’un time repitae en quelque sorte….

Comme ce héros, j’ai eu la chance d’être né assez privilégié, fils unique d’une professeur des écoles et d’un cadre administratif travaillant dans le domaine du transport. Comme ce héros, j’ai fait des études secondaires. Après un baccalauréat scientifique (section D), je me suis perdu pendant 4 années dans un milieu que je détestais (faculté d’Assas) pour me retrouver dans l’université de Saint Denis, où j’obtins un DUT fait en une seule année, une licence et une maîtrise en AES. Comme le héros, j’ai eu souvent envie d’en finir après mes 4 années perdues dans la faculté d’Assas, je pensais que ma vie était finie. Après être revenu de Boston et quitté une certaine Jessica dont la photo est toujours dans ma chambre, je pensais que la vie ne pouvait plus rien m’apporter de bon…

A vrai dire, les seuls bons moments de ma vie sont liés pour la plupart à mes vacances aux USA. Comme le périple du héros, j’ai fait comme lui ma traversée des USA de New York à Los Angeles en passant par Washington, les grands parcs naturels (Monument Valley, Grand Canyon). Comme lui a dans ce film la sublime Kirsten Dunst pour se remonter le moral, je dois beaucoup à Jessica qui fut la seule à venir vers moi pour ce que j’étais. A l’époque en 1996, j’étais perdu, limite suicidaire (et oui comme ce héros, cf la scène de l’engin de mort à 2 roues). J’ai dû par la suite, à mon retour voir un psy pour essayer de l’oublier car notre liaison était impossible : elle était taiwanaise et moi français. L’année dernière, elle m’a envoyé une photo d’elle et de son mari et de son enfant. J’étais fier pour elle….

Dans ma vie, il y a eu aussi une certaine Claire G, que j’avais connue enfant et que j’avais retrouvée au lycée. Je n’ai jamais eu la force de lui dire à quel point je l’aimais car j’avais peur de la perdre. Il faut dire que depuis que j’étais enfant, chaque fois qu’une fille me plaisait soit celle-ci changeait d’école, déménageait ou me faisait comprendre que je n’étais pas assez bien physiquement pour elle… Mais revenons à la perte de l’être important. Avant de réaliser ce très beau film, Cameron Crowe venait de perdre comme le héros de son film son père. Ce film est donc une façon de lui rendre hommage et de grandir malgré tout. L’échec de son héros est un peu son échec face à certains films qui ne marchèrent pas comme prévu. Dans la vie, il y a toujours des hauts et des bas. Le héros va donc pouvoir remonter la pente grâce à une charmante hôtesse de l’air (ah mon concours raté chez Air France)… La rencontre de ces 2 êtres de «substituts » donne la force de tout ce film très touchant. A cela rajouter une superbe musique et vous obtiendrez une des meilleurs comédies romantiques de cette année..

J’avoue que la critique ne fut guère flatteuse pour ce film, mais il faut croire qu’il ne faut pas toujours écouter l’opinion des autres et se forger la sienne. Cameron Crowe est un des réalisateurs les plus doués de sa génération que ce soit par son film culte Jerry Maguire, ou par son excellent thriller fantastique Vanilla Sky….

Le décès d’un être important nous renvoie d’une certaine façon à notre propre contact avec la mort. Personne n’est immortel malheureusement et ce n’est que lorsque l’on perd une personne proche que l’on se rend compte de toute son importance. Je dois beaucoup à mon grand-père, grâce à lui, je partais en vacances en Vendée quand j’étais jeune. Il a été là pour me féliciter quand j’ai obtenu mon bac, il a toujours été là, même si les derniers temps avant de mourir on était un peu en mauvais terme. L’argent ne remplacera jamais une présence, mais je lui serai infiniment reconnaissant car grâce à lui, j’ai pu payer entièrement mon appartement… A sa mort, une partie de moi est morte avec lui.

Alors, la morale de ce film veut que, même si on ne réussit pas totalement sa vie professionnelle, il faille savoir vivre pour sa famille, faire en sorte que ses parents soient fiers de notre réussite. Il faut aussi trouver sa moitié pour pouvoir vivre en harmonie avec soi même….

Je conseille donc ce très beau film à tous les romantiques (dont je fais partie), aux cinéphiles avertis pour voir comment réussir totalement un film. Quant à Kirsten Dunst, elle est toujours aussi superbe et son jeu d’acteur est de mieux en mieux…. Vanessa avait cette même grâce en elle. Elle restera comme mon plus grand échec amoureux de cette année….

Je dédierai sûrement un jour ce film en le revoyant à ma compagne, à la femme qui m'appréciera avec mes défauts et mes qualités...

Vu le 02/11/05 à la séance 22h15 de salle 03 au Gaumont de Disney Village

Note de Mulder:

Critique de Tootpadu

Le monde selon Cameron Crowe, dans sa conception la plus intime, ne peut se passer de musique et d'un idéal familial sur lequel son héros solitaire peut toujours retomber le cas échéant. Au fond, ce cinéaste à l'écriture inimitable raconte depuis quinze ans et six films toujours la même histoire, remplie d'incertitudes et d'euphories, d'échec et de renaissance, et surtout d'une mélomanie redoutable. Certes, il lui arrive parfois de rater son coup (Vanilla Sky), mais lorsqu'il est au meilleur de sa forme, la douce mélodie d'un nombrilisme enjoué produit des oeuvres d'un pouvoir de fascination étrange. Crowe excelle alors dans le genre de l'évidence, à travers un ton fleur bleue qui serait insupportable chez tous les autres. Chez lui par contre, il est l'indice majeur de sa place au milieu du carrefour des influences : là où les différentes cultures américaines se retrouvent pour célébrer leurs points communs, consensuels.
Le manque d'audace de Crowe joue cependant en sa faveur, puisqu'il rend ses films aussi chaleureux que facilement accessibles. Ce n'est pas par hasard que nous connaissions déjà les répliques de Presque célèbre par coeur après la première vision, et l'introduction d'une phrase de Jerry Maguire dans le langage courant ("You had me at hello.") est une preuve supplémentaire pour la capacité de Crowe d'écrire et juste et simple. Au fond, et même à bientôt cinquante ans, le cinéaste est resté l'adolescent fanatique de musique qui a inspiré le film le plus primé de sa carrière, un rêveur absorbé dans son monde qui a le don de nous le rendre accueillant, voire réaliste. Voir un film créé par Cameron Crowe, c'est retrouver nos ambitions de jeunesse et une image de l'Amérique pas encore ternie par les incapables qui font semblant de la gouverner en ce moment.
Quant à cet Elizabethtown, il est une copie moins sirupeuse de Jerry Maguire, le récit d'un homme qui était sur le point de tout perdre lorsqu'il rencontre la femme de sa vie. Comme Tom Cruise, Orlando Bloom y a fait une chute professionnelle faramineuse, le genre d'échec personnel qui ne laisse aucun individu indemne. Et comme la vedette qui a pris ici la casquette de producteur, il arrivera à remonter la pente grâce à une femme exceptionnelle. Mais les différentes étapes qui meneront à sa rédemption démentent la première impression de niaiserie que peut inspirer la prémisse. De fil en aiguille, l'existence de Drew Baylor reprend de l'ampleur et avec ce protagoniste défaitiste et en sursis nous assistons à un hymne inspirant sur la beauté des choses simples dans la vie. Rouler en voiture pour se perdre ou pour découvrir des joyaux ignorés, rester pendant des heures au téléphone pour parler de tout et de rien, assister à des funérailles majestueusement grotesques, ou tout simplement donner une deuxième chance à des relations mal parties, ces moments d'une vie ordinaire s'agencent à un rythme apte à la réflexion.
Alors que la qualité irréprochable de la sélection musicale va de soi, les deux interprétations principales nous ont agréablement surpris. Très beau, mais aussi très fade jusqu'à présent dans ses épopées historiques ou fantastiques, Orlando Bloom se glisse avec une intensité exemplaire dans le rôle difficile de ce jeunot qui doute plus qu'il n'agit. Quant à Kirsten Dunst, elle trouve ici son premier rôle substantiel en cinq ans, depuis Virgin Suicides. Une occasion jouissive pour se rappeler qu'elle vaut mieux que les comédies niaises dans lesquelles elle joue habituellement.

Vu le 28 novembre 2005, à l'UGC Ciné Cité Bercy, Salle 14, en VO

Note de Tootpadu: