Be with me

Be with me
Titre original:Be with me
Réalisateur:Eric Khoo
Sortie:Cinéma
Durée:94 minutes
Date:12 octobre 2005
Note:
Theresa Chan, une femme aveugle et sourde, qui écrit sur sa machine son histoire et ses pensées sur l'amour. Une fille qui en a rencontré une autre sur internet et qui ne supporte pas que celle-ci la délaisse. Un homme obèse qui fantasme sur une femme d'affaires qu'il observe pendant son travail de surveillant. Un commerçant qui a du mal d'accepter le décès de sa femme, mais qui commence à faire son deuil lorsqu'il rencontre Theresa Chan.

Critique de Tootpadu

Les sens sont à l'honneur dans ce deuxième film du réalisateur de Singapour Eric Khoo sorti en France, après 12 Storeys il y a huit ans. Dès le début, il s'affranchit de ce que nous sommes habitués d'attendre d'un film asiatique contemporain, sans même se soucier le moins du monde des canons cinématographiques de l'occident. En quelque sorte, il nous rapprend à voir et à écouter, à laisser les sons et les images déployer toute leur beauté et tout leur sens dans un temps largement défini. Khoo ne se presse pas et il ne nous oblige pas non plus de le suivre dans un cheminement esthétique ou narratif extravagant. De la simplicité de son expression filmique naît une fascination très particulière, une douce musique qui, pourtant, a failli nous assommer par son extrême beauté.
Le style visuel distingué, cette façon d'observer les fantasmes inassouvis de ses personnages d'un oeil aussi solidaire que cruel, il permet de capter la beauté dans la solitude, la mélancolie dans le rejet, le drame émotionnel dans les difficultés de communication. Par son regard intrigué qui organise son film comme une mosaïque, prêt à réellement être apprécié et compris qu'avec du recul, et non pas comme un récit linéaire sans surprise, le cinéaste nous prend constamment au dépourvu. La rupture centrale n'a ainsi nullement peur d'ammener le film vers le domaine du documentaire, à travers la vie de Theresa Chan évoquée par des sous-titres. Mais c'est finalement la connaissance du double handicap de cette femme remarquable qui inspire une poésie supplémentaire au travail très poussé sur la vue, l'ouïe et, autant que faisable sur un écran de cinéma, le goût, qui a précédé. Profondément culinaire, ce film est parmi les rares perles cinématographiques qui savent susciter le plaisir gastronomique, au niveau d'un Festin de Babette ou d'un Salé sucré. Par son affirmation de la vie, déclinée dans presque tous les sens, il rend le désarroi de ses personnages encore plus beau d'un point de vue tragique.
Une preuve de plus pour montrer que le cinéma le plus vif et le plus à contre-courant des normes fatiguées de la décennie actuelle nous provient d'Asie !

Vu le 21 octobre 2005, au MK2 Quai de Loire, Salle 5, en VO

Note de Tootpadu: