Bienvenue Mister Chance

Bienvenue Mister Chance
Titre original:Bienvenue Mister Chance
Réalisateur:Hal Ashby
Sortie:Cinéma
Durée:128 minutes
Date:09 mai 1980
Note:
Depuis toujours, Chance, un homme simple d'esprit qui adore regarder la télé, a été le jardinier d'un vieux propriétaire de maison. Lorsque ce dernier meurt, Chance est expulsé de la demeure et devra se retrouver dans un monde qui ne lui est familier qu'à travers le petit écran. Il tombe alors victime d'un accident de voiture avec la limousine d'Eve Rand, la jeune femme d'un vieux dirigeant de l'industrie du pays sur le point de mourir. En convalescence, Chance s'installe chez les Rand qui apprécient ses observations botaniques prétendument profondes au point de le recommander auprès du président des Etats-Unis.

Critique de Tootpadu

Un quart de siècle après sa sortie, cette satire poignante a encore gagné en perspicacité et vérité. Elle s'articule principalement autour de deux points forts, qui forment deux moteurs complémentaires, chacun à sa façon exemplaire de la société dans laquelle nous vivons.
D'abord, la surenchérie du personnage principal, qui n'en est évidemment point. La béatitude de Chance lui interdit naturellement tout calcul et l'idée même du mensonge le dépasse. Il se comporte comme un grand enfant dans un immense magasin à jouets, où il peut avoir une voiture dès qu'il la demande - sans savoir quoi en faire, bien sûr - et où il peut s'adonner à son loisir préféré, la télévision. La problématique ne provient par conséquent pas de ses affirmations hautement inoffensives, à condition d'être prises au premier degré. Non, la source de la comédie fine, exploitée jusqu'à la corde, est l'interprétation qu'en font ses interlocuteurs. En somme, tout le monde comprend ce qu'il veut dans les propos au bord de la débilité de Chance, qui deviennent alors plus le reflet de désirs individuels que des vérités précieuses. Le jeu des différents degrés de lecture, qui laisse presque tous les personnages passer à côté de l'évidence, s'avère d'une grande originalité. La supposition et le manque d'écoute et de discernement guident ainsi tout ce petit monde vers l'adoration de la débilité innocente.
Ensuite, la prise en compte de la télévision ne réussit peut-être pas le constat acide de Network, le meilleur film des années 1970 sur les médias, mais elle renforce encore l'accusation de la superficialité d'une culture télé-guidée. Le zapping devient pour la première fois ici un état d'esprit, plus qu'un effet de style peu satisfaisant. Les limitations mentales de Chance s'y manifestent clairement, les bornes d'un esprit qui ne vit que pour et par les images saccadées des différentes chaînes.
Le traitement astucieux du sujet ne se retrouve pas tout à fait relayé par la mise en scène un peu laborieuse de Hal Ashby. Faute de trouver une réponse formelle à la dualité thématique, il nous impose des plans artificiellement composés ou bien une structure pesante qui a du mal à suivre l'agilité du scénario. Au moins, l'interprétation est sans faille, Peter Sellers dans un dernier rôle touchant en tête.
Plus malin et finalement bien plus intelligent que Forrest Gump qui avait exploité une idée semblable quinze ans plus tard.

Vu le 6 octobre 2005, au Forum des Images, Salle 300, en VO

Note de Tootpadu: