Grizzly Man

Grizzly Man
Titre original:Grizzly Man
Réalisateur:Werner Herzog
Sortie:Cinéma
Durée:103 minutes
Date:07 décembre 2005
Note:
Chaque été pendant quinze ans, Timothy Treadwell s'est retiré pour plusieurs mois dans un parc national de l'Alaska, afin d'y vivre avec ses amis, des ours sauvages et des renards. Il se croyait investi d'une mission de sauvegarde et de protection de cette idylle naturelle et sa plus grande ambition était de devenir lui-même comme un de ses grizzlies adorés. Cette aventure s'est tragiquement arrêtée, lorsque Treadwell et sa compagne ont été dévorés par un ours en 2003. Grâce à des centaines d'heures de film que l'écologiste avait tournées pendant cinq ans, en revenant sur le lieu du drame et en interrogeant les proches de cet homme exceptionnel, le cinéaste allemand Werner Herzog cherche à dresser un portrait de Timothy Treadwell.

Critique de Tootpadu

Werner Herzog, le dénicheur génial d'hommes et de destins fous, l'observateur ironique d'un univers qu'il croit fermement voué au chaos et à la destruction, a encore frappé. Et en vue de son récit sur un homme qui voulait devenir un ours, il n'est à notre avis pas exagéré de parler d'un grand coup ! Le cinéaste y trouve en effet le ton juste pour exprimer à la fois son admiration pour un individu qui allait jusqu'au bout de son rêve, au risque d'en mourir, et son refus de suivre Timothy Treadwell dans les derniers recoins de son délire. Il sait admirablement faire la part des choses, entre le côté idéaliste du sujet qui aspire à une harmonie faite d'amour et de paix, et ses égarements conditionnés par une psychologie perturbée. A aucun moment, Herzog ne se permet de juger cet homme aussi attachant qu'effrayant et il reste ainsi fidèle au canon du documentaire objectif. Face à une part importante de séquences tournées par Treadwell lui-même, son travail consiste d'ailleurs principalement à mettre le combat de ce dernier en perspective avec les démons qui l'animaient et à appliquer une couche de raisonnement et de logique typiquement allemande aux sautes d'humeur hallucinantes de son sujet.
Si la démarche du réalisateur s'était arrêtée ici, son film aurait été un portrait saisissant de plus, comme son Ennemis intimes sur sa relation tumultueuse avec Klaus Kinski. Mais comme chaque grand cinéaste qui se respecte, Werner Herzog fait un film sur le cinéma, tout en le tournant. Il interroge avec une intelligence et une finesse remarquables les mécanismes propres au Septième art, en premier lieu à travers le rapport curieux que Timothy Treadwell entretient avec sa caméra, son seul compagnon et le seul témoin de sa lutte digne d'un Don Quichotte, et ensuite en pratiquant une forme de la mise en scène très déstabilisante, qui donne une aura curieusement fictive à ce documentaire. Quelques séquences, par leur aspect artificiel (le rendu de la montre, le récit du médecin légiste), opèrent par conséquent une mise en abîme fascinante, qui renvoie soit à une manière très américaine de vivre et de voir les choses, soit à des genres diamétralement opposés à celui pratiqué ici (le côté "film d'horreur" de la bande son de l'accident). Derrière ce cadre foisonnant apparait toutefois en continuité le respect et l'intérêt du réalisateur envers deux choses primordiales de la vie : les hommes dans toute leur imperfection & le cinéma dans sa poésie imprévisible.

Vu le 24 novembre 2005, au Metro, en VO

Note de Tootpadu: