Madame Bovary

Madame Bovary
Titre original:Madame Bovary
Réalisateur:Jean Renoir
Sortie:Cinéma
Durée:103 minutes
Date:28 décembre 1933
Note:
Après la mort de son épouse, le médecin de campagne Charles Bovary se marie avec Emma, une fille de paysan. D'abord enchantée par cette montée sociale, Emma commence vite à s'ennuyer et elle rêve du monde sophistiqué et instruit de Rouen, voire de la capitale. Elle tente en vain d'assouvir cette fuite de la banalité campagnarde par des aventures avec des hommes brillants.

Critique de Tootpadu

Le célèbre roman de Gustave Flaubert a été maintes fois adapté à la télévision et plusieurs fois au cinéma, dont seules trois versions sont généralement considérées comme fidèles : cette première de Renoir, l'américaine de Vincente Minnelli avec Jennifer Jones, et la plus récente de Chabrol avec Isabelle Huppert. Nulle mention n'est faite dans les annales du cinéma d'une adaptation allemande et argentine, bien plus obscures que ces trois cas de référence.
Porté pour la première fois à l'écran sous la plume et l'oeil de Jean Renoir, le destin de la pauvre Emma Bovary est assez fidèlement traité ici. En trois tableaux, le réalisateur évoque avec une ironie remplie de sympathie la série d'échecs d'une femme trop ambitieuse pour sa condition modeste. Les faits marquants du roman ne sont nullement omis, puisqu'on y trouve bien chaque étape de la montée sociale autant que les nombreux revers. La mise en scène de Renoir repose avant tout sur des comparaisons ou des symboles forts, tels les vaches qui sont associées avec insistance, soit par l'image, soit par le son, au personnage titre, ou les longs mouvements de caméra qui évoquent plus que des répliques superflues.
Cependant, le choix de Valentine Tessier pour ce rôle emblématique de la révolte féminine, encore condamnée à l'échec, est des plus regrettables. Son âge mûr ne se dresse pas autant contre la crédibilité de son interprétation que sa gestuelle théâtrale, qui rend son jeu artificiel et faux. L'exemple le plus consternant de cette exagération superficielle se trouve au moment de l'abandon de son premier amant. Tessier répond à la lettre fatidique avec un cri digne d'un opéra et une apathie figée. Sa prestation ne s'améliore guère par la suite, et l'impossibilité de rendre son personnage plus charnel et plus passionnel garde le film dans son ensemble à une distance décevante.
Emma Bovary est une création de la fiction aussi riche que complexe, autant une calculatrice froide que la victime vulnérable de ses passions. Toute adaptation du roman de Flaubert réussit ou échoue en fonction de l'interprétation de ce rôle difficile. Malheureusement, Valentine Tessier n'était pas à la hauteur, puisqu'elle n'apporte pratiquement aucun aspect inédit au personnage. Bien que Jennifer Jones et Isabelle Huppert n'aient pas non plus été des Emma parfaites, elles ont su s'approprier au moins certains traits de son caractère.
La mise en scène habile de Renoir échoue donc lorsqu'il s'agit d'insuffler de la vie dans l'interprétation maniérée du rôle principal.

Vu le 1er octobre 2005, à la Cinémathèque Française, Salle Henri Langlois

Note de Tootpadu: