Grabuge

Grabuge
Titre original:Grabuge
Réalisateur:Jean-Pierre Mocky
Sortie:Cinéma
Durée:88 minutes
Date:14 septembre 2005
Note:
Dans une affaire de trafic de cartes de séjour, deux danseurs espagnols sont assassinés. Le vieux commissaire Lancret demande alors à Maurice, un mélomane célibataire qui travaille à la préfecture, de se renseigner dans le milieu.

Critique de Tootpadu

Jean-Pierre Mocky est enfermé et il s'est probablement retranché par sa propre volonté dans une bulle temporelle. Son cinéma se ressent ainsi fortement de cette isolation têtue, de cette rupture assumée avec l'évolution des choses et de la société. En regardant son oeuvre la plus récente, après le non moins anachronique Furet, on se croirait dans les années 1970, voire plus tôt encore. Au delà de l'aspect bon marché de cette production peu coûteuse, dans laquelle les flics circulent dans des bagnoles abîmées et les fonctionnaires exercent dans des bureaux exigus dignes d'un Brazil, c'est surtout le regard que Mocky porte sur la société qui est profondément daté. La photo numérique, peu soucieuse de la beauté et entiché d'efficacité, apporte alors un enregistrement moderne à l'intrigue vieillotte et peuplée de fantômes d'antan.
Et pourtant, cet entêtement de faire dans le cinéma populaire destiné à une populace qui a depuis longtemps disparu ou changé de goût ne peut que nous amadouer. Certes, la représentation de la communauté homosexuelle n'est pas du tout dans l'air du temps, et même vexant dans son association insistante et rétrograde entre le crime et l'orientation sexuelle. Et la question de l'immigration clandestine sert la plupart du temps comme prétexte à l'intrigue policière. Mocky ne manque pourtant point de lucidité dans son observation des rapports de force dans notre société et sa résignation douce-amère devant l'hécatombe qui engouffre pratiquement tous les personnages déploie une sagesse ironique plutôt rare. En plus, la structure simpliste avec ostentation et le jeu presque théâtral des acteurs accomplissent un décalage très appréciable avec la marchandise standardisée que nous impose le cinéma français contemporain.
Le monde très vieille France d'en bas de Jean-Pierre Mocky, avec ses tronches inimitables et sa gouaille, n'est peut-être pas du goût de tout le monde. En dépit, ou au contraire, grâce à son anachronisme presque fier, il correspond à l'expression personnelle d'un cinéaste solitaire et indépendant, un battant indécrottable qui n'en a rien à faire des modes passagères.

Vu le 26 septembre 2005, à l'UGC Ciné Cité Les Halles, Salle 7

Note de Tootpadu: