Caché

Caché
Titre original:Caché
Réalisateur:Michael Haneke
Sortie:Cinéma
Durée:113 minutes
Date:05 octobre 2005
Note:
Georges et Anne Laurent deviennent la cible d'une surveillance inquiétante, d'un harcèlement qui se manifeste à travers des cassettes vidéos qui enregistrent le va-et-vient devant leur maison, accompagnées de dessins sanglants. Face à l'impuissance des forces de l'ordre et à l'insistance des envois suspects, la vie quotidienne de ce couple aisé et de leur fils Pierrot se dégrade. Lentement, Georges fait le rapprochement entre cette affaire gênante et un événement désagréable de son passé.

Critique de Tootpadu

Dans son quatrième film en France, récompensé par le prix de la mise en scène à Cannes, Michael Haneke poursuit la longue tradition précieuse du regard extérieur, de la lucidité d'un étranger pour observer les imperfections d'un pays. Même s'il ne fait qu'effleurer certains fléaux sociaux, comme le traitement discriminatoire des immigrés, son discours y trouve une assise puissante, grâce à la vérité pénible que le cinéma français bienveillant préfère ignorer. Le portrait social qu'il dresse de la France de nos jours n'a rien de complaisant, il n'offre aucun refuge, ni dans le carcan familial qui se décompose aux moindres intempéries, ni dans le monde du travail qui privilégie les apparences, et même plus au cinéma, qui offre au mieux un moyen de fuite passager. Ce malaise palpable se traduit également par des difficultés de communication, des différences de point de vue et, finalement, par l'absence totale de certitude et de justification pour des actes qui restent mystérieux.
En dépit du plan final aux indices adroitement cachés, cette oeuvre extrêmement fascinante demeure un de ces grands films mystères. Bien au delà du titre emblématique, Haneke nous cache parfaitement son jeu. Il nous invite avec beaucoup d'insistance à chercher par et pour nous-mêmes, à scruter ces longs plans des cassettes et à constituer notre propre puzzle mental. Chaque nouvelle séquence est ainsi une nouvelle pièce surprenante, et pas toujours compréhensible (les plans de l'enfant qui crache du sang), qui ne formera un tableau entier qu'avec le recul final, et encore ... Car même si certains éléments gagnent une lucidité trompeuse, d'autres s'enfoncent dans le mystère le plus complet, dans l'abîme de l'absurdité de la vie. Ainsi, le seul événement vraiment physiquement violent du film, qui survient sans préavis tel un coup de hache, ne se contente pas de mener le couple protagoniste en déroute, il nous trouble davantage les possibles tentatives d'approche de cette intrigue merveilleusement opaque.
Que cette opacité textuelle se transforme constamment en une richesse incroyable au lieu de sombrer dans la prétention intellectuelle, nous le devons à la mise en scène faramineuse de Michael Haneke. D'une austérité modérée au début, avec un emploi soutenu et pertinent de la voix hors champ, elle se dirige naturellement vers une tension infaillible, qui sait alterner admirablement le rythme et qui donne à chaque séquence une fraîcheur et une imminence plus qu'enthousiasmantes. Un moment à l'apparence aussi anodine que la visite chez la mère malade est ainsi découpé jusqu'à la perfection, une danse aérée d'instants de silence et de conversation prétenduement superficielle. Mais justement chez Haneke, rien ne reste à la surface, tout se meut dans un réseau de révélations et de rapprochements qui nous emprisonnent presque par leur beauté, et qui ne nous lâchent plus par leur caractère hautement ambigu.

Vu le 20 septembre 2005, au Forum des Images, Auditorium

Note de Tootpadu: