Snake Eyes

Snake Eyes
Titre original:Snake Eyes
Réalisateur:Brian De Palma
Sortie:Cinéma
Durée:97 minutes
Date:11 novembre 1998
Note:
Prête à être démolie, l'arène sportive d'Atlantic City accueille pour la dernière fois un match de boxe prestigieux, auquel assiste le ministre de la défense controversé. Pour Rick Santoro, un responsable de la police locale véreux, cette soirée est l'occasion rêvée de briller à côté d'hommes influents. Mais tout s'écroule, lorsque le ministre tombe vicitime d'un attentat, dont les responsables sont de plus en plus difficiles à traquer pendant cette nuit orageuse.

Critique de Tootpadu

Brian De Palma semble chérir tellement le rapport étroit, tissé de citations et de références plus ou moins éhontées, qui le lie à l'oeuvre d'Alfred Hitchcock qu'il ne peut s'empêcher d'y retourner périodiquement, comme dans ce cas précis entre l'adaptation d'une série de télé (Mission : Impossible), et son incursion atypique dans le genre de la science fiction (Mission to Mars). Cependant, il ne convient point de dénigrer ses efforts en comparaison avec les classiques indémodables du maître du suspense. De Palma poursuit ses propres obsessions, ses propres thèmes, et son style finalement de même très personnel qui se retrouvent dans un corpus de films plus jouissif que sophistiqué.
La noblesse des actes ou des personnages est en effet totalement absente dans ce récit palpitant d'une nuit frénétique, ou bien elle est au mieux discréditée comme la naïveté nocive qui déclenche la catastrophe. Le point focal du cynisme lucide de l'histoire est par conséquent le personnage principal, aux antipodes mêmes de l'héroïsme. Seulement agaçant dans son arrogance au début, il n'a guère le temps de faire valoir son petit sursaut d'honnêteté au milieu, acquis au bout d'une réflexion tortueuse, qu'il se trouve déjà aspiré irrémédiablement dans le tourbillon de la traque des médias. C'est simple, dans le monde de De Palma il n'y a pas de gagnant : le héros est corruptible et au moins en surface pourri, la belle fille est presque maladivement naïve et maladroite, et le méchant mène un combat qui préserve curieusement les derniers vestiges d'une notion d'honneur. Objectivement, les actions du responsable de l'attentat, lui aussi dépassé par la situation, sont peut-être les plus consistants, mais son sort s'apparente plutôt à celui d'un bouc émissaire valeureux, le pion que l'on sacrifie volontiers pour garder les rapports de force dans un équilibre précaire.
La façon avec laquelle De Palma aborde fièrement cette intrigue pas aussi prévisible et conventionnelle qu'il ne parait, elle est pratiquement à l'opposé des observations subtiles qui se cachent dans les souches inférieures du scénario. Les figures de style abondent ainsi, comme d'habitude, mais avec une énergie et une nervosité quasiment irrésistibles. La pièce maîtresse est évidemment la longue séquence d'ouverture, dont la brillance technique se place néanmoins dans une opposition stimulante avec le contenu irritant, caractérisé par l'attitude orgueilleuse du personnage de Nicolas Cage. Par la suite, ces morceaux de bravoure s'espaceront progressivement, jusqu'à un final toujours pas tout à fait satisfaisant, mais ils suffisent amplement pour nous tenir en haleine.
L'exagération et les coups de marteau formels n'étaient pas vraiment du ressort d'Alfred Hitchcock, le maître de la direction subtile du spectateur, alors qu'ils figurent comme une des qualités irréfutables du cinéma selon Brian De Palma. Ses films - peut-être pas tous, mais la majorité plutôt réussie - sont des symphonies viscérales qui préfèrent faire trop que pas assez. Grâce à cette démesure formelle, ce film-ci s'avère finalement bien plus stimulant et vigoureux que nos souvenirs d'il y a sept ans ne nous l'avaient rapporté.

Revu le 20 septembre 2005, au Forum des Images, Salle 300, en VO

Note de Tootpadu: