Bienvenue à Gattaca

Bienvenue à Gattaca
Titre original:Bienvenue à Gattaca
Réalisateur:Andrew Niccol
Sortie:Cinéma
Durée:106 minutes
Date:29 avril 1998
Note:
Dans un futur pas si lointain, le jeune Vincent Freeman rêve d'explorer les planètes. Seulement, ses insuffisances génétiques, qui lui prédisent une espérance de vie de trente ans, le prédestinent à des emplois insignifiants dans la société sélective qui organise les rapports sociaux selon la performance de l'ADN. Vincent se fait passer alors pour le brillant Jerome Morrow, aux gènes exquis mais paralysé suite à un accident de voiture. En soumettant régulièrement des échantillons de sang et d'urine de Jerome aux nombreux tests et en excellant lui-même dans le travail pointu de l'Académie prestigieuse de Gattaca, Vincent s'approche de plus en plus de son but : la mission vers Titan. Jusqu'à ce que le directeur de mission soit trouvé assassiné et les enquêtes de la police risquent de démasquer l'existence d'imposteur de Vincent ...

Critique de Tootpadu

Le numéro d'acrobatie artistique suprême que nous offre ce film est de faire passer un nombre impressionnant d'observations profondes dans un cadre stylisé, mais pas vraiment sophistiqué. Pour son premier film, Andrew Niccol insistait évidemment sur une forme visuelle très recherchée, marquée par des couleurs dominantes comme le jaune et des décors à l'architecture aussi futuriste qu'hybride. Mais cette flamboyance qui gâte l'oeil ne déteint jamais sur la structure et le ton du récit, qui restent étonnamment sobres. Le mélange osé des genres qui nous pousse de séquence en séquence dans la science fiction, le policier, le drame personnel, le film noir et la romance, garde ainsi un côté très accessible et presque modeste dans sa perception aiguë de la mesure juste. La noblesse esthétique épouse parfaitement un sujet aussi ambiguë que fascinant, un conte électrisant sur le flou et la nature trompeuse des apparences.
Au fond, le personnage principal est prédestiné à nous rester étranger par l'effacement même de son identité. Qui est réellement ce Vincent ? Nous ne le saurons jamais réellement, à l'exception de quelques bribes d'information sur son caractère, ambitieux, violent, et discipliné. Pourtant, les caractéristiques de son nouveau rôle ne sont guère plus explicites, avec ce bon vivant cloué dans un fauteuil roulant qui est censé représenter l'élite de la société, mais qui se revèle comme un alcoolique dépressif. En fait, dans des rapports sociaux régis par les défauts et les qualités de fabrication, la personnalité ne compte plus, puisqu'elle s'efface complètement derrière la viabilité du profil génétique. La rébellion contre le système performant à laquelle se livre Vincent démarre presque par hasard. Son rôle d'imposteur le transforme plutôt en esclave d'un monde de privilèges auquel il n'est pas censé avoir accès. En déjouant la manie des contrôles par une suppression tout aussi maladive des traces de son identité originale, d'ailleurs exprimée de façon particulièrement puissante dans le générique, il opère une mise en question très indirecte, voire timide, d'une machine au fonctionnement implacable.
Les questions de perte et de fabrication de l'identité ne sont cependant pas les seules interrogations intelligentes auxquelles se livre ce film complexe. Les rapports de filiation, le mythe du dépassement de soi, et l'impossibilité d'un contrôle complet sont autant de sujets qu'il traite avec la plus grande subtilité. Que les qualités débordantes de ses thèmes n'apparaissent jamais pompeuses ou trop cérébrales, il le doit à la mise en scène précise et à l'écriture espiègle d'Andrew Niccol, assistés par des interprétations sans faille, une photo resplendissante et une bande originale excellente.

Revu le 14 septembre 2005, au Forum des Images, Auditorium, en VO

Note de Tootpadu: